19 mai 2015 - Séjour alpin (3) - Col de la Bonnette
69.7km en 3h41, D+ 1777m, coef 2,55
Météo: soleil et fraicheur, puis météo changeante et retour sous la pluie
C'était très loin d'être joué d'avance ! Mais par un heureux concours de circonstances, je peux me farcir le célébrissime col de la Bonnette, en guise de troisième étape, avant de finir la journée par un trajet jusque Sisteron, en prévision de la suite des événements...
Nuit difficile suite à la sortie d'hier...
...est-ce du à la chaleur emmagasinée au cours de la journée ? A la fatigue physique ? A l'excitation d'avoir pédalé dans des lieux si magiques, si mythiques ? Peu importe. Le résultat, c'est que je me lève avec les jambes lourdes, le dos tire aussi un peu. Ne sachant pas trop ce que je vais faire aujourd'hui en raison des paramètres expliqués ci-dessous, je vais commencer la journée par ranger mes affaires à l’hôtel et aller acheter un petit dej' à la boulangerie, que je dévorerais en déambulant dans les rues encore vide du centre-ville de Barcelonnette...
Car oui, je ne sais pas trop quoi faire aujourd'hui:
- Mon pédalier qui craque à fond depuis la dernière partie de la sortie d'hier... faut que je règle ça, si je veux finir ma semaine de vélo avec... un vélo (en état de marche) !
- La route de la Bonnette n'ouvre qu'à 10h le matin... je ne sais pas ce que ça donnerais de s'y pointer avant... mais je préfère aussi éviter.
- Il faut que je file sur Sisteron en courant de journée pour y passer la nuit... j'espère donc ne pas trop traîner dans le coin.
Après moult hésitations, je me décide à ranger les affaires, quitter l’hôtel et arriver au magasin de cycles Bouticycles au bout du village juste avant qu'ils n'ouvrent. S'ils peuvent solutionner le souci de pédalier illico, alors je monte à la Bonnette. Sinon, je file sur Gap faire réparer le vélo puis ensuite continue à Sisteron.
8h45, je suis devant le magasin. 9h pile poil, ils ouvrent. J'explique mon problème et le responsable prend le vélo en charge immédiatement - quel bol. En 25 minutes, tout est re-nettoyé, re-graissé, et je peux le remercier chaudement d'avoir pris le souci à bras le corps !
Je ressors du magasin avec le vélo, finalise le contenu des poches et du sac à dos, et BIM c'est parti direction quasiment 2800m d'altitude !
La route jusqu'à Jausiers n'est ni intéressante, ni vraiment belle ; ça fait un peu autoroute... ou du moins grosse nationale... même si le trafic n'est pas si important que ça. Je suis pour le moment euphorique de pouvoir me mesurer à cette Bonnette, alors que je pensais devoir faire l'impasse. En plus, niveau timing je suis pas mal, car ils ont annoncé soleil ce matin mais averses cet après midi... autant donc que je termine le plus tôt possible !
A Jausiers, intersection. A droite toutes, pour la 'route la plus haute d'Europe', la route de la Bonnette-Restefond. Je sais que je pars pour la très, TRES haute altitude, là ! Dans ma tête, je me projette une espèce de montée ressemblant au Galibier côté Maurienne, mais sans la redescente du Télégraphe sur Valloire. Je connais pas tellement plus long, ni plus exigeant finalement. Donc ça fera l'affaire pour me projeter mentalement.
Dans les faits, la montée de la Bonnette par Jausiers, elle ressemble à ça (SPOILER: la croix rouge indique l'endroit où je me suis arrivé: la boucle autour de la cime de la Bonnette n'était pas accessible, trop de neige).
Au début, il y a une longue section avec des maisons, on a l'impression de traverser un lotissement pendant plusieurs bornes. La pente est abordable, mais dès le début, je sens que c'est pas ça. Les traces des sorties d'hier et avant hier sont bel et bien là. J'ai les jambes lourdes, mais surtout, le cardio plafonne immédiatement. Et j'ai le souffle court. Pourtant je ne suis pas encore en haute altitude... qu'est-ce-que ça va être dans une heure ou plus !?
Bientôt, voilà les panneaux indiquant l'endroit où la route est fermée la nuit. En gros, entre 20h et 10h le lendemain, c'est fermé et interdit. Preuve qu'il n'y a plus d'habitations à partir d'ici... autrement dis désormais c'est le grand silence, la solitude ! Ce que j'étais venu chercher ici.
Un passage au pied d'une falaise est précédé par des lacets courts et pentus, qui me mettent à mal. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est pas la grande forme aujourd'hui. Et c'est un euphémisme !
Seuls les paysages me permettent de positiver, de profiter. J'ai quand même une chance inouïe d'être ici, alors je ne vais pas me laisser terrasser si facilement.
Maintenant, deux looooongues sections rectilignes, chacun se terminant par deux lacets, le premier vient à reborus de la pente, et le second repart dans le sens initial. Les sections rectilignes sont celles qui me font le plus mal.... c'est interminable, sérieusement !
C'est là que je me rend compte aussi que le repas trop frugal hier soir, couplé à la très mauvaise nuit de sommeil, ne sont pas là pour m'aider. Le vélo, un sport de récupération !
Les marmottes font leur apparition... celles-ci me paraissent plus grassouillettes que celles vues hier sur les cols de la Cayolle et d'Allos... ce n'est probablement qu'une impression.
Voici un chalet qui indique que nous sommes à 2000m d'altitude ! Et vlan le gros coup au mental en constatant qu'il me reste quelque part entre 700 et 800m de dénivelé à grimper pour arriver au sommet ! Cette montée au paradis blanc (il y aura de la neige là-haut, c'est sur) est un vrai enfer !
Quelques pins sur les bords de route... pas mal de petits cailloux SUR la route (faudra faire gaffe à la descente)... et surtout un poids mort sur la route. Sur mon vélo, en fait. Je traîne mes 86kgs.. les jambes ça va, mais c'est le cœur, le souffle, qui me limitent. Je suis dans le rouge. Dans le rouge d'hier, dans le rouge d'aujourd'hui.
Après avoir franchi une petite cascade, la route replate un court instant, le temps de franchir un pont qui enjambe le torrent de Clapouse. Puis ça repart de manière rectiligne à nouveau. Mais la pente semble moins forte ici... un court instant.
La neige fait sa première apparition ! Oh, pas encore beaucoup. Mais quelques paquets ici et là, sur les bords de route... puis, sur les hauteurs... c'est le grand blanc ! Je peux commencer à me torturer l'esprit encore un peu, en essayant de deviner où peut bien se situer cette sacrée cime de la Bonnette, quelque part au-dessus de ma tête ?! Je sais à quoi elle ressemble, je l'ai vue en photo... ce que je ne sais pas, c'est que quel que soit le côté par lequel on y grimpe, on ne l'aperçoit qu'au dernier moment !
La route quitte les alpages, et désormais évolue dans la rocaille. Une série de lacets me met encore à mal... que c'est dur.
Voici un petit lac de montagne, le lac des Eissaupres. Il y a une espèce de replat en le contournant... ça fait du bien ! Je continue à observer le blanc au-dessus de moi, en espérant y deviner des lacets qui pourraient m'aider à localiser la route menant au sommet. Mais non, rien... ça en devient désespérant.
Un instant, j'ai l'idée de complètement dézoomer sur la carte du GPS que j'ai devant les yeux, pour m'aider à deviner le sommet. Mais non, ça serait me flinguer le mental, que de voir tout ce qu'il reste de chemin à parcourir avant d'atteindre le toit du monde... je préfère rester dans l'ignorance, mais garder un minimum de mental.
On ne voit plus aucun torrent d'eau glaciale dévaler les flancs de la montagne... car tout est couvert de blanc. On devine bien que cette neige épaisse est aussi très humide et molle.
C'est en me faisant ce commentaire que je réalise que je ne pourrais pas, lors de la descente, faire un petit détour par le col de Restefond, ni le Faux-Col de Restefond, qui sont pourtant à proximité directe de la chaussée (l'un à environ 30m, l'autre à 100m)... trop de neige pour faire ça... il ne faut pas tenter le diable quand même. C'est un coup à s'enfoncer dans la neige et ne plus pouvoir en sortir... de vrais sables mouvants ! Et puis je vous raconte pas comme je me caillerais dans la descente, une fois les jambes et pieds trempés !
Voici maintenant la caserne de Restefond. Ca, pour le coup, je sais que ça annonce la proximité relative du sommet ! Notez que les lacets la précédant auront été l'endroit où je me suis le plus trainé de toute la montée.... des lacets de fouuuuuuuu !
La caserne de Restefond. Sous le soleil à la montée, sous le gris à la redescente !
Puis d'un seul coup, suite à un virage à droite suivi d'un lent tournant, progressif, à gauche, la route devient bien moins pentue. Et les murs de neige sur le bord de la route..... il fallait le voir pour y croire ! C'est magique, le vélo en montagne à cette saison !
Voici donc le Faux col de Restefond, juste en contrebas de la route... mais je ne peux pas y aller. Même pas en rêve. Mais surtout, l'épingle à gauche en-dessous de laquelle il se situe sera un grand moment....
... voilà la Cime ! TEEEEEEERRRE ! Ou plutôt: NEEEEEEIIIIIGE !
Punaise, elle est juste ici, après un long replat de plus d'un kilomètre. Je peux même me permettre de lâcher le guidon pour prendre des photos et relâcher le dos en pédalant... moi qui y était cramponné depuis le bas. Rhooooo le pied.
Je laisse un bunker abandonné, avec tourelle de défense, sur ma gauche. Juste au-dessus, le col de Restefond. Avec des échasses, ça passerait. Avec des jambes, pas.
Le reste... se passe de commentaires. Une arrivée au col de la Bonnette (altitude 2715m), surtout pour la première fois... c'est du domaine de l'énorme. Des souvenirs que je n'oublierais pas !
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En voyant des cyclo-randonneurs (derrière un énorme mur de neige qu'il n'est déjà pas aisé de contourner sans prendre le risque de glisser en contrebas) en train d'entreprendre de monter au sommet de la cime à pied, je comprends que faire le tour de la cime, et donc emprunter cette route la plus haute d'Europe (premier prix contesté par une route espagnole, dans la Sierra Nevada... enfin, évitons ce débat pour le moment), c'est MORT.
Dommage.
Il faudra vraiment que je revienne ici en été.
En attendant, être ici, avec ces monceaux de neige... ça claque aussi :
Alors qu'un cyclo arrive au sommet (je n'en ai vu que deux de toute la journée !), je réalise à quel point ça caille ! Et le vent s'est levé depuis quelques minutes... sans parler des nuages derrière moi, côté Ubaye, qui commencent à rendre le ciel gris, sombre... menaçant
Je m'étais gardé une option sous le coude: celle de redescendre d'environ 3.5km en contrebas, côté Tinée, pour retomber au niveau du col de Raspaillon.
Allez go, je mets une petite couche, quelque chose sous le casque et les gants longs. En quelques minutes, me voilà au col du Raspaillon (ou "col des Granges Communes"), altitude 2513m.
Demi-tour. Il me reste 200m de dénivelé à remonter dans l'autre sens. Je serre les dents et mouline tout petit. Tout doucement. Ca prendra du temps, mais me revoilà sur mes pas. Je me mets à l'abri... façon de parler. Ca souffle fort. Et je sors tout l'attirail: genouillères, manchettes, k-way, etc. Me voilà harnaché pour affronter 22km de descente.
La descente... sera difficile. Un gros vent, il faut bien tenir le guidon. Attention à ces satanées marmottes qui traversent la route hors des passages piétons. Il neigeotte un tout petit peu, ça me fouette le visage... mais rapidement, ça devient un petit crachin, puis plus bas, une petite pluie fine, qui ne mouille pas vraiment.
Il ne me reste plus qu'à me laisser glisser jusqu'à Jausiers, où la pluie redouble, commence à mouiller, et où un vent contraire me forcera à donner le reste de mes forces pour me ramener à Barcelonnette.
Fin des opérations. Je mets tout le bardas dans la voiture, vélo y compris, et vais faire quelques emplettes que je dévorerais comme un gros glouton.