26 mai 2018 (BRM 300 CCK) - La Suisse, le Doubs, les jambes qui piquent
310km, D+ 5160m, coef 1.66
- En 13h03 (+30min de pauses cumulées)
- Météo: chaleur parfois importante, soleil parfois couvert
Nous y voilà, au BRM 300 du CCK. Depuis l'an dernier, j'accroche au concept... qui représente très exactement le meilleur du vélo pour moi: un bon gros défi, des rencontres super sympa et des paysages à faire baver.
J'ai posé mon vendredi aprem au taf, après le repas avec les collègues, je saute dans la voiture, direction Kingersheim (banlieue de Mulhouse). Ce ne sont pas les méchants bouchons à Nyon, Solothurn et Bâle qui m'empêcheront de déguster une pizza+bière avec les potes à proximité de l'hotel.
Courte nuit, pas bien dormi. A 3h50 le réveil sonne. A 4h15 on part en vélo pour rallier le club house du Cyclo-Club Kingersheim, qui organise la journée (aux petits oignons), sous la houlette du duo Pascal + Poucet, de très fins connaisseurs de l'effort au long cours ! Petit dej avec les amis, briefing de Pascal qui nous annonce notamment 3 grosses ascensions difficiles sur le parcours 'max' (il y a deux parcours, light/max cette année. Même distance, simplement plus de dénivelé sur le max, sur lequel je m'apprête à en découdre).
5h30 c'est le départ. 29 cyclos au départ sur le 'max', on souhaite bon courage à ceux qui partent sur le 'light', qu'on ne reverra que ce soir (ils partent 5min après nous).
La traversée de Mulhouse est frustrante avec ses nombreux feux rouges qui scindent le groupe en deux.. on perd du temps, mais c'est pour la bonne cause: la sécurité de tous.
Pistes cyclables le long d'un canal: il fait pile la bonne température au petit matin, ce moment dégage un gros sentiment de sérénité. Aucune appréhension depuis le premier coup de pédale, je sais que j'irais au bout. C'est peut être ça, la plus grosse différence avec 'avant' ?...
Première moitié: Kingersheim-Wissenstein-Col du Chasseral (155km, 3300m D+)
Au bout d'une grosse vingtaine de kilomètres effectués en groupe, à discuter notamment avec Laurent, Jean Luc (j'en reparlerais) et un peu Valex, le capitaine de route lâche les chevaux. Désormais chacun peut adopter son propre rythme, ce qui bien sur veut dire une bonne accélération. Les costauds partent devant et le groupe explose. Ne pas y voir de violence ou de non respect des uns et des autres: chacun adopte simplement son propre rythme. Le BRM, par essence, n'est de toutes façons pas une course mais bien une randonnée en autonomie.
Lâché à l'occasion de la première petite bosse, je me vois finalement assez proche d'un groupe de 10 devant, alors je mets les gaz dès le replat et recolle au bout de quelques minutes. Je reste sagement derrière, à discuter notamment avec un gars de la famille des frères 'Mengin', anciens pros et vainqueurs d'étape sur le TDF. Ca roule bien, pas trop fort. Le soleil est désormais bien monté dans le ciel, il fait une douceur délicieuse, l'effort est très bas, tout roulotte. La première 'vraie' bosse de quelques kilomètres, mais en réalité très roulante, est après Sondersdorf: c'est la grimpée vers le col du Blochmont (altitude 631m). J'ai déjà pas mal discuté avec Jean-Luc et comme je trouve que le groupe de 10 (+1 avec moi) roule un peu en-dedans, je prends un relais dans la montée. En passant devant J-Luc à ce moment, je lui lance la blague qu'il pourra dire aux potos ce soir que j'ai pris 'un' relais en tête aujourd'hui !
Sauf que 5 minutes plus tard, je me retourne et ne me retrouve... qu'avec Jean Luc. Bizarre, le groupe n'a pas suivi. Je poursuis à mon rythme, je ne suis pas sur des bases folichonnes même pour moi, mais j'appuie correctement sur les pédales, comme je sais le faire sur ces pentes douces qui me conviennent à merveille.
Grosse descente derrière, J-Luc n'est plus derrière moi. Je suis tout devant, avec l'impression de ne pas être à ma place ! Mais je me connais suffisamment bien, je roule bien sur les faux-plats, et tout doux dès que ça grimpe à 6% ou plus... alors pas de risque, je gère mon bonhomme de chemin.
Km56, Bridou est là avec Aurore pour prendre une photo au passage de chacun des candidats du parcours 'max'. Super sympa, ça me donne la banane. On vient d'entrer en Suisse, et tous les voyants sont au vert.
La montée qui suit est plus pentue, J-Luc me revient dessus, et la discussion reprend de plus belle. Ce J-Luc est non seulement un cyclo aux jambes de titane (ça, on le verra plus tard), mais aussi un mec en or. Super rencontre, super découverte, pour ce gars que je n'avais jamais vu autre part que ces 3 dernières années sur l'AVM, sur l'espace de quelques secondes, puisqu'il me double toujours à grosse vitesse en m'encourageant fort, lorsque le peloton des costauds me rattrape, moi qui pars au départ avancé du parcours AVM 'longue distance'.
Après Movelier, descente tambour battant, le pied. Aux portes de Délémont, nous nous arrêtons au passage à niveau alors qu'un train passe: le groupe des costauds nous reprend, ils n'avaient donc qu'une ou deux petites minutes de retard. Un bon groupe de 7 roule maintenant ensemble: détour par une chouette piste cyclable et toute petite passerelle au-dessus d'un torrent, puis nous laissons Délémont derrière nous.
Lignes droites, c'est l'occasion de voir si le groupe a 'envie' de bosser ensemble. Michel prend un relais, Jean-Luc aussi... puis ça s'essouffle un peu. Je remets un coup devant, puis Michel... puis toujours rien. Dommage, on aurait pu mieux s'entraider je crois. A l'entrée du village de Vermes, premier contrôle, la moitié du groupe avait prévu les téléphones portables dans la main et prennent en photo tout en roulant le panneau du village (preuve de leur passage). La seconde moitié du groupe, dont Jean Luc, Miguel et moi faisons partie, est obligée de s'arrêter pour sortir l'appareil photo du sac. Là encore, dommage, mauvaise coordination du groupe. J'ai besoin d'une pause technique, mais sur conseil de J-Luc, je zappe et reprends vite du rythme pour revenir sur lui, Miguel et un autre des costauds.
La montée qui suit est très casse-pattes, bien qu'assez courte. C'est l'ascension vers la Hauteur (altitude 795m). Petite route perdue en fond de vallon, à l'ombre, qui ressort assez rapidement dans de petites collines, avec un panorama 'carte postale' et sensation d'alpages. C'est parti devant, mais les costauds (en dehors d'un certain Christophe qui finira le parcours total à presque 27km/h de moyenne !) plafonnent pas trop loin devant, je ne perds pas l'ambition de les rattraper. Les faux plats dans une vallée étroite ne me laisseront pas le faire, mais les premières centaines de mètres de la première ascension terrible du jour, j'ai nommé le Weissenstein Passhöhe, me permettront non seulement de les reprendre, mais aussi de m'accrocher en partie aux basques de l'ami JL, qui m'encourage à haute voix lorsque les lacets nous rapprochent l'un de l'autre, lui devant, moi en contrebas.
Ce Weissenstein (altitude 1279m), c'est quelque chose: 5km à 10.5% de moyenne de pente, avec un final encore plus terrible: le dernier de ces 5km est à 14% de moyenne ! J'ai déjà ouvert le maillot et versé un peu d'eau sur le cabochon pour tenter de maitriser l'effort. Mais alors, quand le dernier lacet à gauche est franchi, BIM c'est droit dans la pente. J'arrive au sommet avec un cardio qui s'affole totalement. On est 5 au sommet, et on repart en descente prudente. Car oui, on a grimpé cette saloperie de son côté le plus facile. De l'autre côté, là où on descend donc, ce sont 5.5km à 21.4% de moyenne (et un passage à 22% !).
Les patins de frein vont chauffer !
En bas, il faut bien plus chaud, forcément. On recherche de l'eau avec JL qui n'en a plus du tout... je suis tout heureux de lui en passer un peu de mes bidons, ça me permet de 'contribuer' un peu à ce beau duo. Les contreforts sud du Weissenstein sont vite derrière nous, sur de petites routes très calme et sans trafic. Certains des costauds ont manqué des embranchements et sont repassés derrière à l'occasion; ça nous permet par exemple de récupérer Lionel P., un cyclo-bloggeur vosgien que je n'avais encore jamais rencontré, mais que je connais de nom.
Bidons remplis à une fontaine de village, décidement, il est plus facile de trouver de l'eau en Suisse qu'en France. Belle descente sur Frinviller, ou débute une très longue remontée en pente douce.
Le soleil tape, il fait trop chaud pour moi qui supporte toujours mal la chaleur à vélo. Le vente est de face, et ces petits pourcentages viennent (presque) à bout de mon moral et de mes jambes. J-Luc me 'coache' et reste devant. Merci à toi ! Puis de fil en aiguille, on finira par atteindre un replat hyper roulant, avec cette fois moins de vent. J-Luc aux manettes, moi derrière, et on file à 35km/h sur plusieurs bornes. Avant de retrouver de nouveau des pentes moins faciles, à l'approche de Nods. J-Luc fait une pause photo, le Mont Chasseral est juste au-dessus de nos têtes, à droite. Moi je poursuis doucement 'à la Cricri' (le bien nommé ne faisant que très peu de pauses en BRM !), et vais prendre à droite sur la route du Mont Chasseral. C'est parti pour la seconde vacherie du jour.
Cette montée, je l'avais faite avec Yann il y a quelques années (lire ici), versant sud aussi, mais là on est plus à l'est au départ, ce qui fait que seuls les derniers kilomètres empruntés avant le sommet sont en commun.
J-Luc est revenu de derrière, il m'annonce souffrir lui aussi... mais il part irrémédiablement devant. Moi je gère mon truc doucement, et grâce à une pause photo de mon co-équipier, on termine ensemble au sommet ! Photo au sommet, preuve de notre passage au sommet. Michel et un autre copain arrivent alors que nous repartons.
Seconde moitié: Col du Chasseral-Col de la Croix du Sud-Kingersheim (153km, 1860m D+)
La descente sur St Imier file à belle vitesse, et le mur montant à l'entrée du village nous choppe bien à froid aussi. Pause à une fontaine près de la gare, hésitation quant au parcours à suivre, et on repart dans une montée que je n'avais pas trop visualisée / prévue, et qui va commencer à m'entamer.
C'est le Mont Soleil, une grimpée courte mais encore assez sèche (5.3km, 420m de D+), faite sous un cagnard affreux. Je coule une bielle, sensations extrêmement difficile, me voilà pour de bon dans un état physique 'longue distance' ! Sur le dernier kilomètre, après le lacet à gauche, je ressens des débuts de crampes derrière la cuisse droite. Aie. Voilà qui va me rendre les choses plus difficiles. Je dois être déshydraté, alors je fais attention à bien continuer de boire toutes les 10min.
J-Luc m'attend 1min au sommet, je ne m'arrête pas pour repartir ensemble immédiatement. Les éoliennes au sommet tournent, il y a donc un peu de vent. Le tonnerre tonne au loin, les nuages sont gris foncés dans la distance. Mais on ne se prendra pas de pluie... simplement les nuages auront l'amabilité de nous couper de la trop forte chaleur du soleil pendant 2-3h.
Un replat jusqu'à Saignelégier, où on prend à gauche pour filer sur une énorme descente, longue, rapide et plaisante jusqu'aux bords du Doubs, où nous entrons en France. Deux copains du BRM sont là à faire la pause, nous on va continuer tour doux...
... tout doux surtout moi, je coule une seconde bielle aujourd'hui sur cette longue montée pourtant douce. Les sensations sont mauvaises, le moral va un peu avec, mais surtout, les crampes me reprennent et se mettre en position de danseuse ne semble plus y changer grand chose. Au loin devant, un peloton d'une 20aine d'unités. Ils ne roulent pas très vite, on leur revient un peu dessus, mais on ne pourra pas profiter des roues.
Ce col des Combes (altitude 862m) m'aura bien scié, et c'est de ma faute: je n'ai pas mangé assez de choses qui tiennent un peu au ventre, je fais une petite hypo. Je vois bien que J-Luc pourrait (= devrait) rouler plus vite, mais qu'il m'attend par gentillesse. Alors lorsque 4 costauds nous doublent au contrôle de Fessevillers, je lui dit de prendre les roues. Je me sais capable de finir seul, ça prendra le temps que ça prendra, mais je ne lâcherais rien. Alors hop, l'ami J-L part devant et je poursuis seul. Enfin seul, pas tellement en fait puisque un membre de l'équipe Cyclosportissmo qui roule en position aéro me rattrape et je le garderais en ligne de mire un bon moment. Il s'agit là de Régis, que j'avais rapidement rencontré sur le BRM 300 CCK 2017. Je me rappelle de lui puisqu'il avait malheureusement abandonné sous mes yeux, m'ayant confié que suite à son abandon, sa femme viendrait le prendre en voiture... nous étions sous une pluie drue, transis de froid. J'apprend que depuis il a fini un trirhéna, à savoir 1000km et 15000m de D+ à compléter en un temps réduit... bref, il a changé de dimension. Il impressionne avec sa position de CLM sur le vélo, mais c'est aussi et surtout un mec très sympa et abordable.
Tiens, alors que je le perd de vue (c'est qu'il envoie du paté sur le plat !),voilà-t-y-pas J-L arrêté à une fontaine en bord de route. J'en profite pour remplir les bidons, mais lui dit de ne pas m'attendre. Je reviens sur le gros peloton de toute à l'heure, chouette, je vais pouvoir prendre les roues... Mais non, alors qu'il ne me reste plus que 20m à combler, ils tournent à gauche alors que moi je dois filer tout droit. Tant pis, j'aurais pas de passe-droit sur ce coup ;)
Après une superbe descente, technique, je retombe au niveau du Doubs, juste en amont du village de Glère. A droite, et hop il faut filer sur ces portions plates le long du fleuve. C'est dur, je n'arrive pas à reprendre un cyclo qui dans l'attitude ne semble pas rouler bien vite. Mais bon, j'ai désormais 225km dans les pattes, je ne suis plus trop frais. On va s'en accommoder, et poursuivre tranquillou !
Mais surtout, je me prépare à la troisième boucherie du jour, la grimpée du col de la Croix (altitude 789m). Celle-là, Bridou nous en a parlé ce matin au briefing: 'gardez des forces pour cette ascension, elle est vraiment difficile'. Bah ouais, ça pose le décor, quand un ultra-sportif vous dit ça. Alors lorsqu'à St Ursanne ça tourne à gauche et que ça va taper dans la pente presque immédiatement, je prends une grande respiration et invoque les dieux du cyclisme, que les forces me reviennent !
4km et 8.8% de moyenne, mais avec des sursauts à 13-14%, notamment sur le haut... c'est une vraie cochonnerie cette grimpée. Alors OK, tout le monde aura parlé du fait que T.Pinot, le cycliste professionnel de la FDJ, avait passé ce col pour gagner une étape du TDF à Porrentruy, mais moi ça m'aide pas beaucoup de savoir ça pour grimper en haut ! Voir le chiffre '4km/h' de ma vitesse sur le compteur finit de m'abasourdir... je suis à deux doigts de mettre le pied à terre, mais je me débats, je me crispe, je serre les dents, et me jure de ne pas mettre le pied au sol 'avant ce tournant à droite là-bas'. Arrivé là, je continue malgré tout, un replat me permet de reprendre mon souffle. Un dernier mur, et me voilà au sommet ! Régis est là, il est sur le point de partir quand j'arrive.
Ouahou, je l'ai fait... j'ai passé l'épouvantail, la dernière grosse montée du jour. Ce petit col bucolique... on ne m'y reverra pas de sitôt !
Descente technique, là encore, très pentue aussi. Puis en bas, je me suis mis en tête qu'il ne restait que 40km. Non non, lorsque je reprends Régis plus loin, il me dit qu'il en reste encore 60. Bah, on fera avec.
On roule de concert un moment, chacun prend un bon relais, puis les crampes me reviennent. Argh, elles ne veulent plus partir. Et je n'ai plus beaucoup d'eau dans les bidons, chose qui m'agaçe au plus haut point. Tiens tiens, je commencer à ne plus être très serein ou calme. C'est la tempête sous le casque, et le physique part dans tous les sens. Heureusement que les petites côtes ne sont pas trop nombreuses, je ne passerais même plus 'un pont d'autoroute', comme on dit dans le langage cycliste !
Après Beurnevésin, on entre une dernière fois en France. Petite hésitation avec Régis un peu plus loin: la trace du GPS nous a emmené sur une belle piste cyclable, mais la quitte tout à coup, pour aller à gauche. Or, je ne vois que des champs à gauche ! Régis fait demi-tour, moi j'hésite puis me résout à continuer sur la voie cyclable, qui après avoir fait la boucle du village suivant, finit par me faire retomber sur l'itinéraire; je me doute que Régis est devant... et je ne le reverrais plus avant l'arrivée.
Encore de bons passages roulants, le vent est globalement de dos. J'ai retrouvé des jambes, mais sur les 15 derniers kilomètres je n'ai plus UNE SEULE GOUTTE d'eau. Chose qui ne m'arrive jamais. Les crampes, sournoises, guettent le moindre manque d'attention de ma part pour me mordre les cuissots. Je m’agace, PAS D'EAU dans le moindre village; à chaque fois que je passe une place de mairie ou une église, je me dis, 'allez, au prochain village j'aurais peut être plus de chances', mais que nenni.
Pas de bol, un village organise une course à pied et les organisateurs me font faire demi-tour. Encore un détour de 3km à ajouter au parcours de base... argh...et moi qui n'attend qu'une chose: DE TERMINER !
Voici enfin les faubourgs de Mulhouse puis Kingersheim. Ce ne sont pas deux trois feux rouges, une erreur de GPS qui me fait prendre la mauvaise piste cyclable, ou de rouler dans un nid de poule sur la route qui vont me faire abandonner (pester par contre oui... à chaque fois... et à haute voix parfois !). Il est grand temps que ça se termine... mais quel bonheur d'entrer dans le club-house du CCK et de m'attabler avec les amis devant une assiette poulet/riz/champignons qui va me retaper. Et je termine 20min derrière le groupe de Michel, Lionel et J-L, super... j'ai très bien fini, à mon niveau, mais à meilleur rythme et surtout avec moins de fatigue 'extrême' que tous mes autres 300km par le passé.
Merci aux organisateurs, qui se sont dépensés sans compter pour mettre au point une journée forte en émotions, en rencontres et en fatigue !