15-16 aout 2018 (Trirhéna) 2/4 - Suisse, Allemagne, Forêt Noire
Section 2 du BRM 1000km "Trirhéna": de Les Genevez à Chatenois
- - Distance: 229km
- - Dénivelé positif: 4730m
- - 23h15 du ravito 1 au ravito 2, en comptant temps de pédalage, pauses, et 2h de dodo
- - Météo: soleil, froid la nuit, très chaud dans l'après midi
J'ai donc atteint cette première time station à les Genevez, en Suisse, sans 'trop' de difficulté... façon de parler. Car avec dejà plus de 5300m de dénivelé positif dans les pattes, je ne dirais pas que je suis encore 'frais', à proprement parler. Mais disons que dans l'esprit des brevets longue distance, j'ai réussi à adopter un rythme régulier, à ne pas trop cramer les jambes, et à ne pas subir de défaillance importante. C'est dejà pas mal en soi.
Sauf que ahah contrairement à une journée classique de vélo, après avoir parcouru tout ça, je me suis restauré auprès du ravitaillement tenu par les volontaires du CCK, j'ai installé ma toute nouvelle sacoche de selle Apidura (bien chargée) sur le vélo, j'ai mis les éclairages de rigueur, et... il est temps de repartir ! De repartir dans la nuit noire bien sur. Ce n'est que le début de la nuit, et bien sur avec les jours qui raccourcissent actuellement, je pars pour de longues heures de pédalage dans le noir. Avec comme 'assurance vie', le sur-sac de couchage dans la sacoche. Dès que je suis trop fatigué ou endormi, je me trouve un coin au bord de la route en sécurité, et je dors quelques heures.
C'est ici l'un des endroits clé de mon premier BRM 1000, l'un des moments qui m'angoissait un peu depuis que je me suis inscrit... mais c'est aussi du coup la délivrance... j'ai les jambes lourdes et suis fatigué, mais la panse est pleine, j'ai de quoi tenir en autonomie (solide/liquide) et j'ai de quoi m'éclairer tel un sapin de noel... alors je pars avec le sourire aux lèvres et l'attention maximale: c'est parti pour une nuit d'aventure !
Partir tout en se sachant autonome comme ça, le couteau entre les dents pour franchir la nuit, c'est plaisant. Le faire avec sur les oreilles les écouteurs tout en écoutant des grands classiques parmi mes albums préférés, c'est grisant ! Je ne le fais jamais, mais là dans l'esprit 'il faut rompre avec la monotonie', j'ai franchi le cap.
Après une première descente longue et rapide, c'est la montée vers Souboz qui m'accueille dans ce début de nuit. La lumière arrière est allumée, l'avant ça peut encore attendre un peu.
Les jambes tournent nickel, pas de souci. Là encore, je me rends compte à quel point j'apprécie de débuter la période fraiche de nuit, qui me convient à merveille.
Cette 'TS2' qui relie le ravitaillement des Genevez à celui de Chatenois, en Alsace, se découpe en parties:
- - D'abord une série de cols en Suisse, à passer de nuit,
- - Puis une section toute plate qui repart plein nord en passant par la France,
- - Ensuite la boucle en forêt noire allemande, avec un enchainement de cols sur des routes forestières pentues assez perdues,
- - Puis une transition plate pour retrouver la plaine d'Alsace.
La première section file plein est pendant de nombreux kilomètres. La nuit est tombée, les éclairages fonctionnent à merveille. Les jambes sont bonnes aussi. La musique sur les oreilles m'aide à tenir le rythme et à me maintenir 'alerte'.
La montée vers le col de la Hauteur est très sympa, route qui serpente, calme total, pas de voiture. Nous étions passé ici, mais par le versant opposé lors du BRM 300 CCK. Ca grimpe bien moins par ce versant ouest ce soir, plaisir total. Arrivé au sommet, je me rappelle des sections très pentues qu'il me faut donc maintenant descendre avec prudence, par contre j'avais oublié les sections beaucoup plus roulantes et rectilignes qui me permettent de filer à vitesse grisante, et de mettre quelques bornes en plus derrière moi... 'gratuites' ces bornes comme disait l'ami David il y a des années... ça avance tout seul !
Je remplis les bidons à Mervelier, après une petite erreur d'orientation, récupérée rapidement heureusement. Traverser le centre ville d'une petite ville comme ça est sympathique. Je vois bien aussi les regards interrogateurs des gens qui sortent du restaurant ou qui boivent un coup en terrasse... on ne voit pas toujours des cyclistes de nuit comme ça... et je ne suis probablement ni le premier, ni le dernier participant au Trirhena qu'ils voient passer sur le pas de leur porte ce soir.
A partir de là m'attend la terrible montée du Schelntenpass (altitude 1051m). A ne surtout pas prendre à la légère celui là ! Ca grimpe costaud, mais surtout, de manière irrégulière... bref, tout ce que je 'déteste' (comprendre: je ne suis pas bon sur ce type d'effort). Au début, je franchis des gorges, les rochers se resserrent et laissent tout juste passer la route en leur milieu, tels des maitres des lieux, ils daignent nous laisser passer avec Philippe, que j'ai repris au début de l'ascension. Nous en ferons une bonne partie ensemble. Nous parlons notamment du dodo à venir. Philippe m'indique vouloir dormir à Laufen, où il sait qu'il y a un endroit au chaud possible devant la gare. J'avoue que cette alternative est attrayante, seul souci j'espère pouvoir faire quelques bornes encore au-delà de Laufen avant de dormir, pour prendre un minimum d'avance sur mon plan de route, et donc avoir un petit coussin de sécurité pour être 'dans les clous' de ma course.
Je finis par lâcher Philippe, et poursuis mon chemin aux-devants - nous nous recroiserons beaucoup plus tard au ravitaillement 3 (je n'ai pas souvenir de l'avoir vu au ravito 2 à Chatenois, mais je peux faire erreur). Le Scheltenpass derrière moi, descente glaciale en direction de Ramiswil.
Le froid, parlons-en. Il fera bientôt 10°. Mais avec la fatigue engendrée par le pédalage intensif, le contre coup des chaleurs de l'après midi, et le manque de sommeil, bientôt ce froid sera ressenti de manière terrible, très difficile à gérer. A ce stade je n'ai pas besoin de maillot de corps manches longues, les manchettes et la doublure du maillot manches courtes + gilet réfléchissant suffisent quand même.
Tournant à gauche, on tape direct dans les pentes du Passwang (altitude 943m). On récupère la route de ce col dejà proche du col, mais les quelques 3.5km à monter nous réservent 1km à respectivement 9%, 10% et 8.5% de moyenne de pente. Une belle petite cochonnerie qui forcément fatigue un peu, surtout avec la sacoche et tout l'attirail qui pèse ! J'essuie quelques premiers baillements en arrivant au sommet, preuve de ma fatigue. Mais rien d'insurmontable encore, notamment rien à voir avec les histoires entendues ici et là sur les difficultés de ce genre d'épreuve de nuit. Bon, et puis j'ai dejà passé des nuits entières à vélo, ça se fait bien. Par contre, contrairement à Jean Luc, je prévois bien de trouver un moment pour dormir quelques heures.
Contrôle n°5, km 310
La descente du Passwang, après avoir franchi le tunnel au sommet, est glaciale. Je revenais sur un feu rouge clignotant dans la montée, mais il est reparti au devant - j'apprendrais plus tard que c'était Yann !
En bas de la descente, un participant au Trirhena est justement arrêté à une fontaine... je le salue mais ne m'arrête pas. Avec la musique sur les oreilles et les lunettes un peu embuées, plus la fatigue probablement, je n'ai pas reconnu Yann ! Mais quelques minutes plus tard, je me dis que ça devait probablement être lui ! Oups. Si j'avais su je me serais peut être arrêté.
Erschwil, Büsserach, embranchement à gauche, Wahlen, puis Laufen. La navigation de nuit fonctionne à merveille. Jean Luc m'ayant parlé d'un Mc Do à Laufen, l'idée me vient de me faire une bouffe nocturne, pour refaire le plein d'énergie. Je tourne en rond mais ne trouve rien. Je m'arrête à deux reprises pour demander à des passants... mais il est 00h10 désormais et j'ai perdu au moins 15 minutes, voir plus, pour rien... et repartir la queue entre les jambes à l'attaque du Challpass sans avoir pu me restaurer. Tant pis !
Ce Challpass n'est pas aussi difficile que les deux cols franchis précédemment: 4.5km à 5-6% de moyenne. Seul le dernier km à 9% est exigeant. Sauf que... je suis crevé. Ce Challpass était mentalement la fin de ma première journée. Aller jusqu'ici sans dormir allait au-delà de mes espérances puisque dormir avant le Passwang ou à Laufen avait été envisagé. Donc j'ai rempli mon objectif du 'premier' jour (même s'il déborde sur le deuxième), et c'est de manière très naturelle que je m'arrête de manière assez irréfléchie (non planifiée) en bord de route à mi-ascension, lorsque j'aperçois un chemin de pierres qui descend à droite de la route. C'est un mélange de fatigue 'dodo' et de jambes fatiguées qui me poussent à inspecter ce chemin 10 mètres en aval de la route. La pente du chemin est faible, il est recouvert de feuilles mortes et de quelques pierres, mais surtout, il est abrité de la route par une petite falaise au-dessus, qui devrait m'abriter du vent, du bruit et des phares de voitures. Ni une, ni deux, ma décision est prise. J'appuie le vélo contre le rocher, sors le sac de couchage, pousse les quelques pierres sur le côté, et m'allonge. J'ai pris le luxe de mettre le maillot de corps à manches longues propre et sec pour garder un petit aspect de 'confort'. Je m'endors quasi immédiatement.
Je dormirais de 1h15 à 3h15, deux petites heures interrompues à plusieurs reprises par le passage de voitures, d'autres participants du Trirhéna qui passent en respirant, avec les petits bruits familiers de craquements de pédalier, et des pneus de vélo qui frottent sur la route. Mais c'est surtout le froid qui va me réveiller. Il fait TRES froid.
8-10°, mon sur-sac de couchage n'est qu'une simple couche isolante, plutôt faite pour tenir hors de l'humidité qu'à l'abris du froid. J'avais mis mon réveil à 3h30 mais à 3h15 je suis complètement réveillé et je grelotte de manière presque incontrôlable. C'est dur mentalement, mais il faut se tirer du sac de couchage, remettre quelques couches, ranger les affaires dans la sacoche de selle et repartir ! Un aspect rigolo que je découvrirais après coup: sans qu'on se coordonne, Yann a dormi à peu près le même temps, à quelques kilomètres avant moi. Il repassera sur la route au-dessus de ma tête sans que je m'en rende compte 3 minutes avant que je ne reparte !
Allez go - la fin du Challpass (altitude 747m) se négocie sans trop de souci, le dodo a fait office de 'reset' pour mon corps. Je n'ai évidemment pas assez dormi, et ce dans des conditions très difficiles, mais ça reste 'un nouveau début', le début d'une nouvelle journée de pédalage. GO.
Je vois bien que je reviens sur un feu rouge à nouveau. Là encore, c'est Yann mais je ne le sais pas. Je l'avais imaginé bien plus en avance sur moi. Globalement, je voyais Yann finir bien en avance sur moi, mais ces quelques jours m'ont enseigné que nous avons un niveau bien plus équivalent que je le croyais sur ce type d'effort au long cours.
Je cherche de l'eau sans en trouver. Argh. En plus de mon feu de route avant, j'allume de temps en temps la frontale, fixée sur le casque, pour observer dans le noir à droite à gauche, dans les recoins des batiments croisés dans ces villages suisses, pour chercher une fontaine. Sans succès pour le moment. Je mange aussi une barre ou deux, n'ayant pas pris de 'petit dej'.
C'est beaucoup moins grimpant par ici, je savais que le Challpass serait le dernier col suisse à franchir. Quelques bosses, mais rien de méchant. C'est bientôt 5h20, l'heure de l'ouverture de quelques boulangeries théoriquement ! Mais non, pour le moment elles sont fermées, ou alors en congés d'été. A Biederthal je suis rentré de nouveau en France, mais il faudra attendre environ 5h45 pour trouver une boulangerie d'ouverte, à Kembs - le village qui me fait retomber au niveau du Rhin et du grand canal d'Alsace. Il y a un mec un peu louche attablé dehors avec le traditionnel café-clope. Pour moi ça sera un sandwich au poulet, deux pains aux raisins et un double espresso. Je dévore tout ça dehors, pour ne pas m'habituer à la chaleur de l'intérieur, je trouve ça trop difficile de repartir par la suite...
J'ai froid, mais les premiers clients qui arrivent commander leurs pain / pains aux chocolats sont habillés en short / t-shirt. Preuve que ce froid ressenti est surtout du à ma fatigue.
Miam, ça requinque. Je me commande un second sandwich au poulet que j'attache sur la sacoche de cadre pour plus tard dans la journée, et je repars.
Ca repart à travers quelques villages qui s'éveillent doucement, et je profite d'un magnifique lever de soleil rose-orangé sur les montagnes à l'est, côté Allemagne, tout en roulant doucement mais régulièrement sur de longues lignes droites le long de champs de maïs. Les canons à eau sont en route et certains arrosent la route. J'essaie de leur échapper, c'est comme un jeu de bon matin, là encore... tout ce qui peut occuper mon esprit est bon à prendre. La bonne nouvelle c'est que si la fatigue physique s'installe, les jambes ont encore du répondant... ça ronronne doucement quoi.
Hombourg ! Contrôle n°5, c'est le second de la TS2.
Je repars après la photo + pause technique qui me 'rassure' sur le fait que je bois suffisamment. Un bon indicateur :)
Me retournant en ré-enclenchant les pédales automatiques, j'aperçois un mec à vélo - c'est Yann mais je ne le reconnais pas, à 50m derrière. On se retrouvera 'enfin' bientôt !
Quelques villages traversés, puis il est temps d'entrer en Allemagne après avoir franchi la zone portuaire avant Neuenburg am Rhein, où j'entre en territoire allemand, non sans pester contre ces sorties de pistes cyclables toujours aussi mal faites.
Quelques bosses dans les vignobles, et à l'occasion d'une courte pause, Yann me revient dessus ! Et s'arrête - on a le temps de discuter deux minutes, et de réaliser à quel point on s'est 'tourné autour' sans jamais vraiment se reconnaître. On s'amuse aussi de la lassitude physique qui s'installe et qui se traduit par de nombreuses micro-pauses.
Un petit coup de crème solaire pour parer au soleil intense qu'on attend plus tard dans la journée, et je repars quelques minutes après Yann.
Gros problèmes d'orientation à Oberdottingen. Je me retrouve d'abord sur un chemin de cailloux. Demi-tour. Puis je ne trouve plus la piste cyclable, zoome et dézoome sur le GPS... gueule un bon coup à voix haute et repars. Allez, virage à droite, et la route s'enfonce enfin un peu entre les montagnes alentours. C'est à partir de Münstertal que ça va piquer sévère ! Virage à droite, et après avoir franchi des gorges sur une jolie petite route en montée douce, le gradient va s'infléchir sérieusement. C'est la grimpée vers le Heubonner Eck (altitude 814m), le tout premier col allemand qu'il me sera donné de franchir.
'Donné', le mot est bien mal choisi car il n'est pas donné, il se mérite ! Les pourcentages vont devenir hallucinants sur le haut. Je double quelques participants, notamment Alexandre, de Genève, qui mange un sandwich tout en se demandant où donc va se trouver ce 'contrôle' secret, annoncé par Bridou dans cette zone, côté Allemagne... Je rattrape aussi 2 participants du parcours 'light', il me semble, et me surprends de croiser Joseph, le brestois, qui descend en sens inverse ?!...
Münsterhalden marque les pourcentages les plus forts, je souffre réellement, mais je profite aussi du soleil qui sort de derrière les montagnes. Puis bientôt la pente s'adoucit très légèrement pour m'accueillir au sommet - au Haldenhof, où je retrouve Yann assis par terre. La Gasthaus du sommet prise en photo, je retombe de l'autre côté.
Yann m'a fait remarquer ici que ça y est, j'avais franchi la barre mythique des 420km pédalés. Mythique pour moi car ça restait la distance maximum sur laquelle j'avais jamais pédalé à ce jour. Petite parenthèse à ce sujet pour constater que je n'ai pas de réaction particulière en ce matin d'aout 2018 à dépasser cette barrière pourtant importante psychologiquement pour moi, car je me sais à même pas la moitié de ce Trirhena ! Et pourtant... ces 420km pédalés en 2016, je les avais vraiment vus comme un Everest au-delà duquel je ne pourrais jamais me projeter ! Comme quoi... il ne faut jamais dire jamais.
La descente est belle. La remontée qui suit l'est aussi. Yann est quelques centaines de mètres devant... comme à notre habitude, on roule chacun à son rythme, et on se vanne quand on se croise. Ça fonctionne à merveille cette technique, et ça donne toujours le sourire de se recroiser.
Le col Auf der Eck (altitude 847m) n'est qu'une formalité. A Schönau im Schwarzwald, je m'agaçe un peu du manque de fontaines pour remplir mes bidons, tous les deux vides. Je m'énerve aussi après une ou deux erreurs de parcours, et des pistes cyclables encore mal foutues. Je trouve enfin une fontaine, me vide de l'eau fraîche sur la tête et remplis les bidons. Nickel pour repartir sur une superbe montée... où je réalise bientôt que j'ai fait 1km hors parcours. Demi tour en descente, et je repars sur cette mini route forestière anonyme, mais qui va m'en faire voir de toutes les couleurs ! Elle nous emmène vers le Tiergrüble (altitude 1064m). Et alors celle-là les gars... c'est du TRES costaud. Des pourcentages qui font suffoquer, ça ne pardonne pas. Heureusement, elle se fait 100% à l'ombre, et donc il ne fait pas trop chaud. Je suis quand même obligé de faire une pause à quelques bornes du sommet, pour reprendre mon souffle, respirer, essayer de digérer ces moments difficiles.
A 1km du sommet, voilà un panneau qui fait plaisir à voir: 'contrôle secret, 1km' !!!
Youhou, voilà t-y pas Vanessa, Schwarzy et les autres qui nous accueillent à bras ouverts au sommet. Je m'assied, et on m'apporte pâtes, fromage, chips et saucisses grillées. Même une crèpe comme dessert, la grande classe ! J'étais arrivé peu après notre Yann national - je repars un peu avant, non sans remercier la dream team CCK de leurs attentions.
Un petit bout de descente et il faut dejà remonter un court moment pour aller chercher le Weissenbachsattel (altitude 1079m). Tout l'opposé du col précédent; ça ne monte pas fort, et c'est au soleil.
Le col suivant c'est le Passhöhe Rotes Kreuz (altitude 1090m). Celui là va me gaver à fond: deja dans la descente, comme je dois recharger le GPS sur batterie externe, le GPS est glissé dans la sacoche de guidon, résultat je rate le virage à gauche et gagne un petit détour d'un kilomètre avec une bonne pente 'en plus' du parcours, sous un cagnard possible.
Ensuite, et surtout, le mur qui aborde ce col est tout droit dans la pente, et je rame, je sue, je peste. Je fais une pause lorsque la pente donne un peu de répit. Yann me double, je repars peu après.
Descente sur Oberlehen, me voici à l'extrêmité est de ce parcours allemand... il est temps maintenant de commencer le long retour vers la plaine d'Alsace, via les montagnes allemandes. A commencer par le Passhöhe Wacht (altitude 999m), non sans franchir le contrôle n°7 à Innerleihen.
A Utzenfeld, on bifurque à droite pour la montée suivante, sur les cols de Krinne (altitude 1117m) et Lückle (altitude 1157m). Avant Untermulten, je reprends Yann et on fait la pause commune à une auberge peu après le contrôle de Multen... une bonne bière fraiche pour lutter contre la chaleur qui règne.
Le Wiedener Eck (altitude 1035m) est passé en descente, à l’amorce d'une section de route magnifique, roulante, filante, tournante, dont il faut guetter le bout... car on nous a prévenu, c'est le célèbre Stohren qui nous attend, avec à son sommet le Schauinsland et ses vues alentours magnifiques, mais surtout, ses pentes diablement pentues. J'avais annoncé avoir pris RDV avec le diable, c'est peut être bien ici qu'il va montrer ses griffes.
De longs passages à 15% nous attendent.... selon moi avec même un maximum à 18%, tout ça chargés comme des mûles avec les sacoches, c'est un calvaire. On continue à s'aiguillonner comme il faut avec Yann. Ca commence lorsqu'il me parle de la photo avec le 'tracteur' qu'il faudra prendre au Schauinsland, contrôle n°9... alors qu'il s'agit d'un train (voir photo plus bas)... MDR.
Il en bave, le Yann. Je le laisse derrière moi et ferais la pause à la fin de la section la plus pentue.
Pouah, qu'est ce que j'en ai bavé. Ceci dit, j'ai l'impression d'être mieux à lutter contre une pente impitoyable que sur des faux plats à 2-3%, où je suis de toutes façons tout à gauche également. Yann me revient dessus, et je me moque de sa remarque comme quoi 'on peut rien voir des paysages tellement on a le nez dans le guidon' pour le chambrer. Il semble vraiment dans le dur, alors je repars à mon rythme. On se retrouvera au Schauinslandpass (altitude 1196m).
Allez, on a passé la moitié de la randonnée ! Bon, ça je ne l'ai pas vraiment réalisé sur le moment, et tant mieux car dans ma tête ç'aurait plutôt été 'pouah encore 500 pitons' !
La descente qui suit est super plaisante. Super longue, peut être même la plus longue de tout le Trirhena. Tournante, rapide. Je me fais plaisir, par contre à Friedrichshof lorsqu'il faut tourner à gauche et remonter, je tire la gueule. Dur dur le vélo...
On monte, on descend, toujours avec Yann, ce sera la seule section de route où on aura réellement roulé 'ensemble'. Pause à une fontaine, puis on retombe en bas par une route des vignes à forte pente... les freins sifflent et chauffent !
Ce qui chauffe aussi, c'est la température, globalement. 34° en bas, je brûle, je chauffe, je peste.
Le Kreuzenbuckpass (altitude 336m), après le village de Merdingen (qui porte bien son nom) nous attend, et encore et toujours des routes dans les vignes, qui montent et redescendent fort. Je perds ici un peu le fil des événements - je traîne et Yann roule trop vite pour moi, m'attend par moments. Une pause commune me fait lui dire de partir devant, je ne suis pas bien et ça me fera du bien de rouler seul pour gérer cette petite crise.
La petite crise va se transformer en gros moment difficile. Après avoir rempli des bidons à une fontaine (et revu Yann qui a du s'arrêter 2min plus tôt ici aussi, puisqu'il est 200m devant), je n'arrive plus à avancer. J'ai trop chaud et je craque dans la tête. Voilà plus d'une heure que je ne prends AUCUN plaisir à vélo, bon dieu qu'est ce que je fous ici !? Je repense alors à mon pote Cricri qui me mentionnait que parfois il pousse le vélo un moment, soit s'il est trop fatigué, soit s'il s'endort en pédalant. Ni une, ni deux, je m'arrête, mange trois barres de céréales, me verse un tiers de bidon sur la caboche, et je commence à pousser le vélo.
Je remonte en selle ensuite... mais ça y est les douleurs se sont installées: trop mal au cul pour rester assis, trop mal aux paumes des mains pour me dresser sur les pédales. Alors j'alterne... doucement, mais surement, le style de pédalage remplace l'efficacité par la recherche de 'confort', ou plutôt de moindre douleur.
Un autre truc qui m’agace avec cette chaleur, c'est le soleil qui me tape dans le visage. C'est un soleil brûlant, agressif, or il se trouve que pendant très longtemps l'itinéraire m'emmène plein ouest, donc en direction de ce soleil que je verrais bien se coucher un peu plus tôt que d'habitude !
Je lâche vraiment dans la tête, à un point que je n'avance plus: je fais une accélération en danseuse, puis je m'assied de travers sur la selle pour effacer la douleur. Et rebelotte. Puis une pause. Je me trouve un bon muret en me disant que ça fera du bien de se poser un peu, pas de bol les poubelles sont juste derrière et ça pue. Argh..... enfin, vous voyez le topo. J'envoie quelques SMS et lis avec plaisir d'autres messages de la famille et d'amis qui m'encouragent. Ca fait du bien, mais faut aussi savoir repartir. Doucement, mais surement... ça avance, et alors que le soleil est très bas dans le ciel, j'aperçois le chateau du Haut Koenigsburg perché sur la montagne en face, qui se détache au loin.
Je suis désormais en France depuis un moment, et bientôt la conquête de l'ouest, c'est à dire atteindre les contreforts des Vosges, est un succès. Je récupère la route des vins d'Alsace, et franchis plusieurs de ces villages magnifiques que sont Bergheim, St Hippolyte, Kintzheim... et à chaque fois leurs belles pierres, leurs caves à vin, leurs maisons à colombages et rues pavées. Il fait nuit, mais je m'en fiche, au contraire... la fraîcheur s'installe doucement, alors que j'arrive à Chatenois !
Ravito numéro 2 - j'ai donc, dans ma tête, fait la moitié du Trirhena, deux TS sur quatre. Même si en kilométrage et difficulté, j'ai passé la moitié.
Je pensais voir tellement traîné en route que Yann serait arrivé depuis 1h... mais non il est arrivé 8min avant moi. Bon, je ne suis pas le seul a subir un sérieux trou d'air.
Châtenois, le ravito est installé dans les locaux du club de foot. On a donc droit à se restaurer (froid/chaud, salé/sucré) et à prendre une douche. J'échange dans les vestiaires avec un mec qui décide d'abandonner ici, c'est trop dur pour lui. Il y a du monde ici, et les différences de niveaux se font criantes... il y a ceux qui sont déjà repartis, ceux qui sont "à l'aise" (genre Miguel qui est arrivé tôt et qui a ajouté un aller-retour dans la montée du Haut Koenigsburg pour voir le château, par simple plaisir... tout ça à vélo au milieu d'un BRM 1000km quand même...) et ceux qui arrivent ébranlés, épuisés, exténués. Gilles 'Poucet' est au four et au moulin en compagnie des autres bénévoles du CCK qui nous servent à manger, nous montrent les douches, etc.
Je mets une batterie d'éclairage en recharge pour la nuit. J'emprunte à Yann sa batterie externe, stockée ici dans son sac 'bag drop', pour recharger la mienne en partie.. puis après le repas et la douche, on met le réveil commun à 3h pour repartir à 3h30.
Je me couche sur un lit de camp au chaud, dans une salle de douche, à côté de Yann.
Ici commence l'épisode mystérieux de ce BRM, qui montre l'état de fatigue des uns et des autres... à 1h50, Yann, à côté de moi, se lève et semble se préparer. Moi, au radar, pense qu'il est l'heure. Je me lève, et me prépare. Les bidons sont remplis, la sacoche de selle est refaite. Au moment de partir je demande autour de moi où est Yann. "Ben il dort encore", me répond-t-on !?
Hein ?....
Il se trouve que j'étais persuadé avoir dormi à côté du lit de camp où il dormait, mais non - ce n'était pas lui ! Donc le mec qui s'est levé à 1h50, n'était pas lui. Seulement, maintenant je suis prêt à y aller, donc je ne vais pas me recoucher ! Donc ni une ni deux, je demande à Gilles d'expliquer à Yann quand il se réveillera que je suis reparti sur ce terrible quiproquo... et je m'apprête à repartir avec Catherine & Richard, le cyclo de Paris, désormais installé en Ardèche.
Catherine traîne un peu, je m'énerve et m'impatiente. 500m après le re-départ, elle nous indique avoir oublié quelque chose au ravito et fait demi-tour... tant pis, je continue avec Richard. En direction de Plainfaing, pour le ravito n°3, situé au km 830 !