16-17 aout 2018 (Trirhéna) - 3/4, au nord des Vosges...
Section 3 du BRM 1000km "Trirhéna": de Chatenois à Plainfaing
- - Distance: 229km
- - Dénivelé positif: 4730m
- - 14h05 de Chatenois à Plainfaing, en comptant pédalage et pauses
- - Météo: soleil, froid le matin, chaud en journée. 20 minutes de pluie sur la fin
Ouah qu'un arrêt au 'pit stop', à Châtenois à fait du bien ! Les volontaires du Cyclo-Club Kingersheim nous ont accueillis comme des rois. Je me suis fait chouchoutter et j'ai mangé jusqu'à plus faim. La douche a fait merveille aussi, ainsi que les quelques heures de sommeil (pas assez évidemment). Je suis arrivé physiquement, mais surtout mentalement, au fond du trou, mais je peux repartir dans de meilleures conditions. Avec Richard Léon, en duo, donc, comme expliqué précédemment.
Il est 2h55 alors que nous repartons, nous avons donc plusieurs heures à parcourir de nuit. D'abord, la route des vins. On poursuit la revue des petits villages typiques du coin, entamée la veille au soir. En dehors de quelques bornes à vive vitesse grâce à un gros vent de dos, on roule tout doux. Tout à gauche dès que ça grimpe, ou alors j'enlève quelques dents derrière et monte un danseuse... mais ça roule vraiment pas bien vite !
On pédale en silence, en dehors de quelques courtes discussions... je crois que j'ai besoin d'être dans ma bulle dans tous les cas. Richard m'attend un coup ou deux, je pense qu'il avait les moyens de rouler plus vite à ce moment de la journée, mais il n'est pas mécontent d'avoir avec lui quelqu'un qui a un GPS ! Lui ne roule qu'avec le carnet de route imprimé... hallucinant. Bon, on n'a pas le même âge non plus !
Ça caille vraiment dans la forêt, notamment au-delà de Otrott et du Wolfsgrub, que j'avais franchi en sens inverse il y a quelques mois. Ces routes dans la forêt nous emmènent vers le col de Westhoffen (altitude 298m), franchi 100% dans le noir et le froid glacial.
Toujours aussi froid du côté de Wasselonne, où survient bientôt la montée du col du Valsberg (altitude 652m). Nous pouvons rouler ensemble avec Richard jusqu'au premier contrôle du jour, puisque les deux parcours light/max empruntent les même routes jusque là. Nous nous séparerons ensuite, puisqu'il fait le max, et qu'au vu de ma fatigue avancée, je pars pour le light.
Ce col de Valsberg restera comme l'un de ceux où j'aurais le plus lutté je crois. Cette montée me parait interminable, je suis cuit, pas de forces dans les cuisses. Arrivé à l'antenne sommitale, j'ai du mal à croire Richard que nous ne sommes même pas à 700m d'altitude, vu l'effort j'ai l'impression qu'on devrait au moins être à 1000m !!
Bon par contre, on a pu monter dans une belle ambiance de lever de soleil... j'adore la lumière et les senteurs du matin. Reste à rallier le rocher de Dabo, contrôle n°10, après une courte descente et remontée 'en escargot' autour du rocher, d'1.5km environ.
Richard comprenant que je pars sur le parcours light, il repars une minute avant moi. On approche des coins qui me réjouissent le plus aujourd'hui, notamment le col du Donon, que j'avais grimpé à plusieurs reprises en avril dernier, un coin vraiment isolé et magnifique... un col roulant en plus (voir ici et là).
Je m'inquiète un peu des bruits suspects de ma roue arrière, les rayons qui travaillent.. déjà hier j'ai bien cru avoir cassé un rayon, ce qui m'avait mis un gros coup au moral au niveau du Passhöhe Wacht... mais non... la roue n'est même pas voilée...c'est peut être simplement le poids de la sacoche de selle qui fait chanter les rayons ?
Avant d'attaquer le Donon par la Sarre Rouge, il faut passer la côte de Hommert, où je récupère Richard un instant. Il est surpris de me voir ici:
LUI "Mais, tu ne fais pas le parcours light ?
MOI: Ben si, je suis sur le light, là ?!
LUI: Euh non, je ne crois pas... enfin, je fais peut être erreur...
... et il repart devant.
Ahem. Il a semé le doute dans mon esprit, là. Je fais une pause à Hommert pour regarder la carte imprimé. Nondidjou, je suis sur le parcours max !!! Ben c'était pas prévu ça.
Après vérification sur le GPS, mon erreur est décelée rapidement: j'ai chargé sur le GPS la trace que j'avais nommée 'light', mais qui est en réalité la 'max', avec beaucoup plus de dénivelé positif. Bon... je suis ici, je ne vais pas faire demi-tour hein. Alors tant pis, je poursuis. Ça sent la journée galère à plein nez tout ça !
Allez hop, je me retrouve de nouveau seul, et cette fois pour tout le reste de la journée, ou presque ! Les participants ont été nombreux à abandonner avant le ravitaillement numéro 2, et dans ceux qui continuent, il y a une partie qui fait le light bien sur...
Je retrouve la côte et le col de Saint Léon, découverte là encore par son autre versant, en avril dernier. Je me laisse retomber de l'autre côté sur Walscheid, laisse la route de Grand Soldat sur ma gauche (celle-là, je l'avais explorée à VTT). Ici débute la longue ascension vers le col de l'Engin et le col du Donon.
Cette route suit la Sarre Rouge, qui s'écoule tranquillement. Il fait frais, c'est roulant. Petite pause pour manger un bout, je me fais doubler par un participant du Trirhena dont j'ignore le nom, puis un groupe de 5 allemands qui roulent à fond, et enfin un duo qui roule régulier. Je les reprendrais presque sur le haut de l'ascension.
Je vais faire toute cette montée en survélocité, je sens que le forces me reviennent. Alors j'envoie ce que je peux, rien ne sert de ne 'pas utiliser' ce petit sursaut de forces. Bon, ça roule raisonnablement doucement quand même hein, faut pas se mentir. Mais ça fait du bien au moral, et je me sais 'dans les clous'.
Mon plan de route se déroule à merveille, et le temps perdu sur les routes plates mais caniculaires la veille au soir a été rattrapé par une nuit raccourcie par l'épisode mystérieux du 'lever de Yann qui n'était pas Yann' (à lire à la fin de l'article précédent). La preuve, j'avais prévu sur mon plan de route de quitter Châtenois à 3h49, et je suis parti ce matin à 2h55...
Le col de l'Engin derrière moi, pas besoin de pause au sommet, je file entre les Donons, col du Donon, et la très rapide descente sur Schirmeck par le col de la Charbonnière.
Je n'avais plus d'eau, je suis donc heureux de trouver une fontaine avec de l'eau claire dans un village avant Schirmeck. J'en profite pour retirer le buff, le maillot à manches longues, me mettre de la crème solaire, mettre un peu d'ordre dans les affaires de la sacoche, manger en bout... avant de repartir.
Rothau: ici débute la montée du Champ du Feu, que je connais bien, par l'ancien camp de concentration du Struthof, aux portes de Natzwiller. Je connais la montée, et la sais exposée aux éléments, et surtout à la chaleur pour le moment ! Une chaleur qui m'écrase et m'use, à un point que je décide de m'arrêter au bord de la route et m'allonger dans l'herbe 10 minutes. Le casque me sert d'oreiller - hé, mais je pourrais m'endormir ici. Allez hop, un gateau avalé et je repars à faible rythme.
Le Struthof et ses chambres à gaz laissés sur ma gauche, je continue en direction du Champ de Feu. Une mamie à vélo roule presque au même rythme que moi, je n'arriverais pas à la reprendre... et je suis à peu près certain qu'elle n'avait pas d'assistance électrique !
A droite au sommet, encore une ou deux bosses, puis enfin les prairies sommitales du col du Champ du Feu (altitude 1075m) - je fais la photo traditionnelle de la tour du rond-point, contrôle n°11.
Pas d'orage au sommet, mais on sent que ça ne tardera plus... les nuages gris se rassemblent, et de toutes façons Météo France annonce de la pluie ce soir et cette nuit !
Hop, un bout de descente, pas bien longue, car il faut remonter un petit bout sur la D214,qui retombe ensuite au niveau du col de Steige (altitude 534m) et du col de la Salcée (altitude 585m), séparés de quelques kilomètres seulement.
Un petit bout de route des Crêtes, et une nouvelle pause 'contrainte' par la fatigue extrême. Juste 5 minutes, le temps de lire et envoyer quelques SMS de 'soutien', qui font du bien à la tête.
Je n'ai plus d'eau, et suis heureux d'en trouver auprès d'une belle fontaine en bord de route, avant de retomber de plusieurs centaines de mètres d'altitude, dans la vallée, en franchissant le col d'Urbeis (altitude 602m).
Sur le bord de la route, tiens voilà mon Yann - je m'arrête en lui criant 'salut mon lapin' vachement fort, comme à notre habitude... ahem, le mec se retourne, j'enlève mes lunettes... ce n'est pas lui ! Oups... 'excusez moi monsieur, je vous ai pris pour quelqu'un d'autre', et je repars. Mort de rire. Quel idiot.
Je poursuis ma descente, mange en roulant... et veille à ne pas rater l'embranchement à droite, pour aller grimper au col de Fouchy (altitude 608m). Dans mes souvenirs, celui-là restera le 'col qui pue le bouc', en raison des élevages de chèvres et boucs dans le vallon qui mène au sommet. A noter que c'est un col relativement court et facile, ce qui n'est pas sans me réjouir à ce stade des évènements !
Le ciel se couvre, il fait bien gris désormais. Mais il fait également plus frais, et ça c'est top. La grande question qui subsiste, c'est de savoir si je vais me prendre une rincée ou pas ! Car clairement, il est annoncé une tendance à la pluie ce soir.
Allez, encore 35-40 bornes avant le ravitaillement et la fin de journée. Le moral est de nouveau plutôt bon, seulement je ne me rappelle plus du tout ce qui m'attend pour rejoindre Plainfaing. J'envoie d'ailleurs un SMS à Brigitte en lui disant quelque chose du genre 'je ne crois pas qu'il reste de col majeur sur le parcours aujourd'hui, mais connaissant Bridou j'imagine bien que ça ne sera pas tout plat'...
Bien mal m'en a pris... car après un long passage sur une belle piste cyclabe me menant à St Marie aux Mines... je réalise que si, il reste une grosse ascension ! Je la connaisen plus, nous étions passés en vacances il y a des années avec Amandine et avions visité la mine d'argent. C'est le col des Bagenelles (altitude 903m) qui m'attend. Et celui-ci est terrible visuellement, car l'échancrure dans la montagne se dessine bien et est visible de tout en bas. Donc laissant Ste Marie aux Mines derrière moi, je peux apprécier la distance et le dénivelé restant à me coltiner... et ça fait mal aux jambes et à la tête !
Je pédale tout doucement, ça n'avance pas... je n'ai vraiment aucune force, et suis contraint à une pause. Je repars doucement... et re-pause 15 minutes plus loin. Encore une pause après le joli lacet à gauche. Ca fait trois pauses dans cette longue ascension (de 15km je crois ?) pourtant théoriquement très roulante. Bref, je suis cuit et ça n'avance plus du tout.
Je constate une fois au col qu'il faut ENCORE grimper, en prenant à droite. Ah mais c'est pas possible ça ! A quelques bornes d'ici il est clair qu'il pleut, l'air est trouble au loin. La grisaille règne sur les lieux alors que je m'échine à grimper jusqu'au col du Pré de Raves (altitude 1007m).
Encore une bosse après un long virage à gauche qui fait suite au col, il faut dire que je suis sur la 'route des crêtes' selon mon GPS, ce qui souvent veut dire monter, descendre, remonter, redescendre, etc...
2km plus loin il se met à pleuvoir. Il fallait bien que ça arrive, ces premières gouttes sur le Trirhena ! Je mets le vélo sur le bord de la route et cafouille avec la sacoche de selle, c'est un bordel dedans ! Tout tombe par terre... j'essaie de remettre de l'ordre et finit par trouver mon k-way. Alors que je repars, voici Alain qui me rattrape ! Génial, on va pouvoir finir l'étape ensemble... car désormais il n'y a qu'une longue descente, à effectuer sous la pluie en partie. La chaussée est mouillée jusqu'à atteindre le col du Bonhomme (altitude 949m), à partir de là c'est presque sec. Enfin ça dépend. Mais la descente sur cette route très passante, je la fais de manière prudente. Et je fais bien, ça fait tout à fait 'nationale', et il y a des trous énormes sur la chaussée... faudrait pas se retrouver par terre maintenant !
Pendant ce temps, Alain me fait remarquer qu'il a mangé une tarte flambée et demie à l'auberge située sur la droite de la route à mi-ascension du col de Bagenelles... ce qui a le don de me mettre un coup de faim mémorable. J'arrive à Plainfaing (nom bien trouvé justement, quand on a faim !) avec les crocs. Voilà qui termine cette longue journée à 17h10 environ.
Je suis accueilli en bas par deux bénévoles du CCK. Avant qu'on me serve à manger, je vais mettre mon vélo à l'abri avec celui d'Alain sous un escalier à côté du local des pompiers, car il se remet à pleuvoir. Puis je récupère le sac que l'organisation m'a déposé ici. Il y a beaucoup de vent et les deux chapiteaux qui servent pour le ravitaillement laissent passer des courants d'air qui me glacent immédiatement. Il pleut de manière régulière désormais, ce n'est pas qu'une averse. Aie aie aie... Je mets tous les vêtements que j'ai ici avec moi. A savoir un maillot de corps manches longues, et deux maillots manches courtes l'un sur l'autre. J'ai un bonnet sur les oreilles et un buff autour du cou. Mais je suis encore humide, je ne sèche pas vraiment... aglagla...
Je bouffe en compagnie d'Alain et Eric, un cyclo orléanais qui fait le light, plus deux trois autres qui vont passer et se coucher. Je constate ici encore quelques abandons.
Quelques SMS de Brigitte, Franco, un appel de Christophe qui m'encourage à ne rien lâcher et à ne fixer mon esprit que sur l'arrivée. Je suis un peu rassuré par les messages de Brigitte et Cricri qui se recoupent: à partir de 21h, il devrait moins, voir ne plus pleuvoir. Ca m'aide à 'timer' mon réveil et mon départ, après avoir dormi.
Puis la panse bien remplie (merci notamment pour la soupe chaude qui a fait du bien !), je pars me coucher. Il y a 4 lits de camps et chacun a un tout petit oreiller et une mini couverture microfibre... le top. Il faut au minimum ça tellement ça caille. Je mets le GPS en recharge, glissé dans le casque lui même glissé sous mon lit de camp. Et je m'endors. J'ai mis le réveil à 22h, ce qui me permettrait de partir vers 22h30 et en comptant environ 8h de pédalage pour boucler les 170km finaux, ceci devrait me permettre de largement rentrer dans les clous d'un finish dans les délais (je dois arriver samedi avant 10h du matin).
Je vais bien sur me réveiller plusieurs fois au cours de ces 2h de dodo, notamment pour voir que richard s'est couché à côté de moi un moment, et plus tard c'est Catherine qui l'a remplacé. Pendant ces 2h, j'entends la pluie taper en continu sur le petit toit en plastique qui nous protège la tête... moralement, c'est dur !
A 21h30 je suis réveillé, et j'ai trop froid pour me rendormir. Ca me semble l'heure de prendre mon courage à deux mains, et de sortir. J'apprends malheureusement ici l'abandon de Valex.
A 21h50 je reprends mon chemin, une toute dernière fois. J'ai ajouté au maillot de corps ML et 2 maillots MC le kway et le gilet sans manches, réfléchissant. Un bonnet, un buff autour du coup, et les genouilères. J'ai viré la sacoche de selle, je n'en aurais pas besoin pour ce dernier trajet. Je me suis enroulé une chambre à air de rechange autour des épaules "à l'ancienne", on sait jamais. J'ai mangé deux bouts de gateau et avalé un gros café chaud. Pris quelques trucs à manger, les poches sont pleines de bouffe.
21h50 est donc mon horaire de départ de ce 3ème ravitaillement, et je pars, seul dans la nuit, dans l'humidité et le froid. Devant moi 170km, une nuit entière et solo à effectuer. Mais devant moi aussi, et surtout, l'arrivée à Kingersheim qui me tend les bras !