3 juillet 2016 - Brevet des Alpes Romandes
220km en 10h14, D+ 4561m, coef 2
Météo: soleil. Fraicheur le matin, chaud l'après-midi
Le Brevet des Alpes Romandes fait partie des grandes randonnées cyclotouristes qui étaient organisées en Suisse. En 2006, cette randonnée annuelle a pris fin. Sur proposition de Didier, nous allons nous élancer sur le plus long des trois parcours, au-delà des 170km et 4000m de dénivelé, pour une journée "découverte", riche en panoramas et en difficulté.
Lever au milieu de la nuit, j'ai 1h30 de voiture à faire jusqu'au Centre Mondial du Cyclisme, situé à l'autre bout du lac Léman, à Aigle. Arrivé sur place à 5h, j'y retrouve Didier. Nous sommes bientôt prêts à nous élancer sur ce BAR.
Il fait encore très très sombre sur la piste cyclable qui suit le Rhône jusqu'à Bex, mais ce qui occupe surtout mon esprit, c'est le froid qu'il fait... brrr.
La première des grosses montées débute à Bex, et passe bientôt devant les mines de sel, que nous avions visitées il y a quelques années (je recommande !). Après un court passage en forêt et un ou deux lacets fluides et resserrés, la route sort dans les vignobles, et pan ça tape direct dans la pente.
Paysages magnifiques depuis cette route qui serpente le long des côteaux. La pente est très irrégulière, l'environnement est changeant aussi. Parfois en forêt, parfois sur des routes qui font un peu plus 'haute montagne'... la pente se calme en approchant de Villars sur Ollon. C'est même un vrai plat, très roulant, qui nous fait arriver au centre-ville... ça roule bien, et ça fait du bien après déjà 14km de montée. Mais en plein centre-ville, nous bifurquons à droite et ça repart de nouveau fort dans les pourcentages. Je fais l'effort de beaucoup grimper en danseuse, pour relâcher les muscles du dos et apprendre à plus utiliser cette position.
Au niveau d'un court replat 2km plus haut, je réalise que Didier a disparu derrière. Je le reverrais au sommet. Quant à moi, je poursuis mon effort sur les parties les plus irrégulières du col, qui arrivent maintenant. Une alternance de raidards rectilignes et de replats en forêt. Les cloches du bétail en alpage sonnent au loin, et le ciel se dégage enfin un peu, même si le sommet des montagnes environnantes reste pris dans le coton.
Ce final se fait dans une vraie ambiance de haute montagne. Un dernier lacet à gauche et voici le col de la Croix (altitude 1778m). J'attendrais Didier 5min pile au sommet, chose assez rare pour être mentionnée, tout en prenant quelques photos et me rhabillant... c'est que ça caille pour de bon si tôt à cette altitude (5°) !
La descente vers les Diablerets est magnifique, Même si nous traversons une fine couche de brume. Descente prudente, je sais que Didier aime prendre son temps en descente alors on ne s'affole pas. Pause-minute arrivés en bas pour retirer le coupe-vent et c'est reparti immédiatement dans l'ascensio du col du Pillon.
Nous sommes bloqués par le premier des nombreux feux de circulation franchis aujourd'hui, sur zone de travaux. En Suisse, lorsque des travaux sur la chaussée ont lieu, les grands moyens sont toujours mis en place pour sécuriser la zone, et souvent ça se traduit par un feu tricolore et du trafic en alternance. Nous attendons patiemment, avant de reprendre notre ascension, non sans se faire crier dessus par un mec en van resté coincé derrière nous 2-3 minutes... alors que nous étions évidemment bien rangés sur le bord de la chaussée. Comme quoi, selon certains automobilistes, les cyclistes feraient mieux de se foutre d'eux-même dans le fossé !
Le reste de la montée consiste en une longue course vers le soleil, qui nous fait face et rase encore les montagnes, à travers la brume, donnant une atmosphère douce de lumière orangée diffuse. Très sympa pour atteindre ce second col, le col du Pillon (altitude 1546m), qui m'a paru relativement facile, malgré des pentes raisonnablement costaudes à mi-ascension.
Au niveau du col se trouve un énorme téléphérique annoncé comme emmenant les touristes 'au-delà des 3000m'. On est en haute altitude, là ! Nous entrons dans le canton de Berne en cours de descente.
La descente qui suit est vraiment belle. D'abord une partie rectiligne en forêt, puis dans les champs. Ensuite, quelques virages avant de traverser Gsteig sous sa belle église au style typique 'clocher pointu' de la région. Ensuite, ce sont de beaux faux-plats roulants sur de nombreux kilomètres, non sans passer par de belles gorges resserrées où la chaussée suit de près un torrent aux eaux tourbillonnantes et blanchâtres.
Voici la célèbre ville de Gstaad, surplombée par des glaciers qui commencent à apparaitre aux sommets des montagnes qui sortent enfin des nuages. Gstaad est relativement encaissée, mais la vallée à 3 bras au coeur de laquelle elle se lôve parvient quand même à contenir un aérodrome pour les jets privés des célébrités du coin, et un nombre impressionnant de chalets de milliionnaires au mètre carré !
Ligne droite jusqu'à Saanen, où nous prenons à droite. Le col suivant, Saanenmöser, est de loin le plus facile de la journée. Il n'est ni réellement long, ni vraiment pentu. Dans un premier temps, il s'élève gentiment au-dessus de Saanen, avant de s'enfoncer sur un plateau formé par les montagnes de part et d'autre de la vallée, et... avant de le réaliser, j'ai franchi le Saanenmöser (altitude 1281m - répondant aussi au doux nom de 'col des Mosses de Gessenay'), et file dans la descente.
Voyant Dider arrêté derrière moi, je fais la première partie de la descente au ralenti, pour le laisser revenir sur moi... et il me confirme qu'en effet "le col était bien là".
Un coup de vallée et de routes rectilignes avec vent dans le dos, et au passage d'un énième passage à niveau, un camion frôle Didier d'un peu trop près... nous faisons une courte pause pour se remettre de nos frayeurs avant de repartir... rapidement, nous tournons à gauche pour nous élancer sur la prochaine difficulté: le Jaunpass. Non sans faire la pause sandwich avant de l'affronter !
Nous sommes ici à l'extrêmité nord du parcours, il est temps de commencer notre retour vers Aigle. Ce Jaunpass là est sérieux. Didier me le décrit comme '9km à 9% réguliers', ça fait froid dans le dos. Enfin... 'froid' - pour le coup il commence à plutôt faire chaud. Très chaud. Ce n'est pas la canicule, mais avec le peu de chaleur qu'on a eu jusqu'à présent cet été, les 25° affichés par mon GPS me font un peu suffoquer. Il faut aussi dire que la pente est en effet assez costaude.
Cette montée consiste en une série de longs lacets, c'est plutôt sympa car on se 'voit' avancer et grimper. On reprend une cyclotte qui nous avait passés lors de notre pause en bas. Puis sur les 2-3 derniers kilomètres, j'entends Didier se laisser décrocher... il est gêné par une mauvaise toux qui ne doit pas faciliter les choses sur une telle journée de vélo.
Courte pause au Jaunpass (altitude 1504m), puis nous redescendons sur la localité du même nom. En descendant, je profite d'un panorama classé 'only in Switzerland'... que c'est beau !
Pause à la fontaine du village de Jaun, avant de faire demi-tour et repasser ces 100m de route débitumée en cours de réfection, pour ensuite bifurquer à droite. Nous sommes (très) temporairement dans le canton de Fribourg.
Direction le Mittelberg. Un nom à la vraie consonnance suisse-alémanique dans cette région partiellement germanophone.
Sur le papier, c'est là encore du costaud. Le final est terrrrrrible. Mais surtout, il fait chaud. Alors je profite des premiers kilomètres en forêt, à la fraicheur sublime le long d'un ruisseau. Avant de sortir de la forêt, et à l'occasion d'un virage à droite, la route se cabre.
Immédiatement, je suis dans le rouge. Le cardio s'affole. Je fais de longs passages debout, dressé sur les pédales. Je ressens une certaine force dans cette position aujourd'hui, moi qui n'ai pas l'habitude de grimper les cols autrement qu'assis. Peut être que le Scott carbone et mes nouvelles roues Top Wheels, enfin remontées dessus, me donnent de meilleures ailes ? Je profite de ces bonnes sensations pour grimper à bon rythme.
C'est autre chose lorsque, une fois la première barrière canadienne franchie, les pourcentages alliés à la chaleur ambiante, commencent à me faire fondre le cerveau et les jambonneaux. J'ai cette impression que comme le coeur refuse de tourner à haut régime, je me retrouver à piocher et donc à grimper trop en puissance (plutôt qu'en souplesse). Le verdict est simple: en atteignant le Mittelberg (altitude 1633m - également connu sous le nom de Grubenbergpass), j'ai mal aux cannes. Ca va se payer sur la suite du parcours, c'est pas comme si j'avais encore 10 cartouches en réserve...
Didier ne tarde pas à arriver lui aussi - quelques photos, une nouvelle couche de crème solaire, le k-way sur le dos, et on file en descente. Celle-ci est superbe. Me revient cette impression d'être dans le massif de la Chartreuse, entre Isère et Savoie... tout y est... la verdure, les petites routes perdues, les vaches dans les champs...
Une courte remontée nous attend dans les bois avant la descente qui nous fait rallier les hauteurs de Saanen (où le Tour de France passera d'ici moins de deux semaines). Nous prenons alors ce court bout de route emprunté en sens inverse il y a quelques heures, pour retomber dans le centre du village. Pause à une fontaine pour boire un coup. A ce stade de la journée, on est tous les deux encore OK pour ajouter une dernière boucle bien grimpante au parcours, une fois de retour à Aigle.
Nous repartons avec un fort vent de nez, qui nous obligera à quelques relais. J'adore l'exercice lorsqu'il est sur de la longue distance comme aujourd'hui - le but n'est pas de rouler à rythme soutenu, simplement de se partager le boulot face à la difficulté majeure que peut présenter éole.
A partir de Chateau-d'Oex, la longue montée vers le col des Mosses débute. Une montée en quatre parties:
- D'abord une longue partie rectiligne, face au vent, où je m'impose de rester assis en selle pour éviter la prise au vent !
- Ensuite un magnifique replat de plusieurs kilomètres, à travers de belles gorges impressionnantes d'altitude et de vide, où j'emmène un bon rythme tout en moulinette, constatant avec plaisir que Didier est tranquille derrière et s'est remis de ses difficultés sur les cols précédents,
- La bosse du col de la Lécherette depuis L'Etivaz, où je nous vois progressivement revenir sur un groupe de triathlètes, chevauchant de magnifiques vélo aéro, et qui s'accrocheront à mon rythme, avant de me doubler et de tenter de me décrocher... le cardio est au max de ce qu'il peut donner, mais je ne lâcherais rien de rien, surtout après qu'ils aient ignoré mon 'bonjour' cordial en les doublant... je vois bien que le 'capitaine' du groupe remet du braquet et se retourne en espérant me décramponner, mais... nan les gars, 'chuis encore là ! Et pourtant même celui qui se faisait pousser par les autres (litéralement) avant que je ne les reprenne, est au charbon pour essayer de me lâcher... petit moment 'course' au milieu d'une longue randonnée !
- Puis enfin, à partir du col de Lécherette (altitude 1388m), que j'avais dejà passé l'an dernier après le lac de l'Hongrin, la remontée vers le col des Mosses (altitude 1445m), en faux plat un moment avant de finir sur des pourcentages faciles mais contre le vent.
Mon groupe de triathlètes s'apprête à retomber sur Aigle, moi je me fais un bon sandwich au saucisson en attendant Didier, qui dès son arrivée m'indique qu'il arrête les frais... adios la dernière bosse prévue au programme, on va simplement retomber sur Aigle et basta.
Après discussion de quelques minutes, l'accord est trouvé: on va simplement aller se bouffer deux petites côtes dans la vallée en contrebas histoire de franchir les 200km sur la journée, mais il n'y aura pas de difficulté majeure comme on l'avait pensé au début.
J'aimerais pouvoir appeler 'décrassage' le reste de la journée, mais loin de là !
Evidemment les 19km de descente sur Aigle, ça, ça se fait bien. la piste cyclable d'Aigle à Saint Maurice, ça passe. Mais la côte que Didier m'a tiré de derrière les fagots, c'est autre chose. Punaise, j'en bave. Il y a de sacrées portions à 8-9%, droit dans la pente, et j'ai trop chaud... la sueur me pique les yeux et les jambes carbonisent à feux doux. Il est tant que ça se finisse tout ça.
Descente sur Evionnaz, puis plat jusqu'à Lavey Village, où je découvre enfin où se situe Lavey les Bains, et ses thermes, que tout le monde semble connaitre (sauf moi). De là, Didier nous fait emprunter une belle montée à flanc de vignobles. La pente n'est pas difficile, ni bien longue. Mais évidemment, en fin de parcours ça pique un peu. Pause à la fontaine en haut, avant de redescendre sur Bex, où nous étions passés ce matin.
Il ne nous reste plus qu'à affronter de belles portions de ligne droite plates face au vent, à coup de relais mous (à ce stade de la journée... on fait s'qu'on peut !), puis un petit détour à Aigle pour aller pousser le vélo sur la rue en galets menant au château.
J'ai une douleur persistante à la cheville, ressentie à chaque sortie vélo depuis le BRM 400 (je l'impute à l'humidité du parcours ce jour là après l'orage traversé), et pour le coup ça devient trop important pour continuer de l'ignorer, va falloir passer chez l'osthéo.
De retour aux voitures devant le Centre Mondial du Cyclisme, et siège de l'Union Cycliste Internationale (UCI), il n'y a plus qu'à mettre les vélos dans le coffre et se rentrer.
La journée se terminera à la maison devant une pizza, glace, et tout ce que je trouverais à me mettre sous la dent, à masser du gel sur ma cheville enflée, et à regarder la belle victoire de la France contre l'Islande à l'Euro de foot, avant que le sommeil finisse par remporter la victoire, en scorant à 5 minutes de la fin du match. KO technique sur le canap' !