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08 Jun

4-5 juin 2016 - A chacun son Everest

Publié par cestdurlevelo  - Catégories :  #Brevet des Randonneurs Mondiaux, #BRM 400, #Drôme, #Col du Rousset, #Vercors, #Trièves, #Corniches du Drac, #Hautes Alpes, #Dodecaudax

419km, D+ 6290m, coef 1.5

19h17 pédalées (moyenne roulée 21.7km/h), plus 2h09 de pauses (moyenne totale 19.6km/h)

Météo: du chaud, du froid, et un orage mémorable

Voici le BRM 400 de 2016 à Grenoble. Cette année je me lance sur ce parcours qui, au-delà de la distance, ajoute une bonne dose de dénivelé positif cumulé... plus de 6200m à avaler, ça fait beaucoup.

C'est une sortie hors norme pour moi, clairement, le parcours le plus difficile que j'ai jamais affronté. Un beau challenge que j'aborde en essayant de me convaincre que dans le pire des cas, je peux abandonner et trouver un moyen de rentrer en bus. Tout ça pour minimiser la pression qui grimpe alors que les jours de la semaine passent un à un, et que les heures qui me séparent de ce départ un petit peu angoissant s'écoulent lentement.

Une discussion sur internet avec Patricia joue un rôle assez moteur à 10 jours du départ. J'en retiens notamment la phrase qui sert de titre à cet article.

Que ça soit sur 40 ou 400km, on a tous notre "Everest". Chacun est, à un moment donné, amené à toucher du doigt ses limites personnelles, et dans un sens, à affronter ses démons. Pour les débutants, ça peut être simplement grimper la côte du village le plus proche. Pour les sportifs confirmés, ça peut être un tour du monde à vélo ou réussir à accrocher le rythme d'un groupe sur une sortie à belle vitesse.

"A CHACUN SON EVEREST", c'est donc aussi un peu une philosophie du sport. Respecter les envies, le niveau et les difficultés de chacun, tout en sachant qu'au moment où ça devient difficile, chacun fait avec ses propres moyens. Il n'y a pas de passe-droit aux limites physiques et mentales sur l'effort au long-cours.
Je vais, personnellement, affronter mes limites sur ce parcours long, et difficile, mais je m'élance en sachant que c'est une belle part d'aventure qui va se dérouler sous mes roues.

Objectif: aller au bout. A mon rythme.
A chacun son Everest: voici le mien.

4-5 juin 2016 - A chacun son Everest
4-5 juin 2016 - A chacun son Everest

4h du matin, place de Sfax à Grenoble. Je suis surpris, on n'est que 11 participants au départ. Il est vrai que d'habitude un BRM c'est avant tout l'occasion de revoir les copains d'Isère, de Drôme et de Navarre... mais pas ce coup-ci. En dehors de Yann (et Jean Philippe l'organisateur, bien sur), je ne connais personne.

Cela a forcément un impact énorme sur ma rando à moi... ça veut dire que je pars sans savoir si je roulerais groupir ou pas. Et ayant eu beaucoup de mal sur le BRM 400 l'an passé, chose que j'ai mise en partie sur le fait que j'avaisi évolué dans un groupe où j'étais de loin le moins bon grimpeur, cette année, ma stratégie est de rouler à mon rythme à moi... même si ça veut dire rouler seul. Je mentirais si je disais que je veux rouler absolument seul, ce n'est pas le cas. Et si par hasard Yann roule moins vite que prévu, pourquoi ne pas faire un bout ensemble sur la première moitié, avant qu'il ne s'envole devant...

La carte jaune du BRM est récupérée. Je roule en mode 'léger' en comparaison aux trois années passées... pas de gros sac à dos ni de lourde sacoche de selle... simplement mon petit sac à dos avec beaucoup de bouffe sucrée, et de quoi, j'espère, ne pas avoir froid sur les deux moitiés de nuits pédalées: les jambières, un buff, les manchettes, un maillot long, un kway. Le gilet réfléchissant, je le porte dès le départ puisqu'il fait encore nuit.

4-5 juin 2016 - A chacun son Everest

Samedi, 4h03: le départ

Dans l'idée, je pense en avoir pour un maximum de 24h... ça fait tout drôle de quitter le confort de ce banc sur lequel on était assis au départ en se disant que dans un jour, on reviendra ici ... après n'avoir fait que pédaler !

En annonçant 'attention au poteau !' (sur la piste cyclable) aux personnes derrière moi peu après le départ, je fais rire Yann à mes côtés, qui me dit qu'on est déjà les derniers... il faut dire que je traine un peu en bidouillant un souci sur mon GPS, qui refuse de zoomer sur l'endroit où je me trouve... pas exactement le type de problème qu'on peut se permettre sur un parcours comme aujourd'hui. Heureusement, c'est vite solutionné. Vif est rapidement derrière nous, et voici la première montée à proximité de St Georges de Commiers.

A Notre Dame de Commiers, Yann prend les devants et disparait au loin. Je me dis que je ne le reverrais peut être plus de la journée, mais j'espère secrètement pouvoir le reprendre, lui qui fait plus de pauses que moi pour manger ses traditionnels 'BN'.

Le jour se lève doucement, on aperçoit par moments le Drac en contrebas. A mon tour de quitter le groupe, j'ai décidé de rouler à mon rythme. Après Monteynard, courte descente raide et remontée tout aussi pentue illico derrière... mais très courte. Au détour d'un virage, voici Yann arrêté au bord de la chaussée, il lève les bras et m'encourage... je poursuis mon chemin, il reviendra sur moi à coup sur.

Voici les corniches du Drac, mon tout premier passage ici ! Magnifique. La D116 nous emmène à Marcieu, le premier point de contrôle, au km 44 de mémoire. Yann m'a rattrapé, mais s'arrête pour 'pointer' sa carte (répondre à une question à choix multiple prouvant qu'on est passés ici). Moi je poursuis sans m'arrêter, en notant mentalement la réponse à la question et l'heure de passage. Et sans m'y attendre... je ne reverrais Yann que dans de nombreuses heures ! C'est aussi un peu ça l'aventure d'un gros BRM difficile. Se croiser, se quitter, se retrouver.

Je profite de l'air frais et des chants des oiseaux, sans oublier de quitter la route de la Mure en retombant à droite. Traversée du Drac à La Loubière: montée sèche, descente encore plus sèche derrière, et remontée méchante ensuite. J'étais passé ici en sens inverse l'an passé.

4-5 juin 2016 - A chacun son Everest4-5 juin 2016 - A chacun son Everest

La D526 présente de chouettes points de vue sur le Drac qui est ici beaucoup plus étroit pour se faufiler dans ses petites gorges, puis je n'oublie pas de bifurquer à droite direction St Sébastien, via une belle montée en forêt avec des lacets resserrés.

St Sébastien, Cordéac, barrage du lac du Sautet: tout roule. Je connais le coin pour y être passé en vélo l'an passé, mais aussi en voiture en février dernier.

4-5 juin 2016 - A chacun son Everest4-5 juin 2016 - A chacun son Everest4-5 juin 2016 - A chacun son Everest

Quelques kilomètres de remontée du Sautet jusqu'à Corps, village implantée en bas de la grimpée vers Notre Dame de la Salette. J'y fais ma toute première pause 2-3min seulement, aux WC publics, ce qui me permet de remplir mes bidons. J'apprendrais après coup que Yann ne passera ici que 2min après !

Après Aspres-lès-Corps, ne pas oublier de quitter la route de Gap... virage serré à droite... merci au GPS de me l'avoir rappelé ! On appelle ça la 'navigation', et j'adore ça. Me voici à proximité de l'ascension du col du Noyer, l'une des deux grosses difficultés du jour. Dans un premier temps, la petite route serpente contre la montagne et traverse de petits hameaux. Dont Le Glaizil, second point de passage au km 77 de mémoire. Là encore, je note mentalement ce qu'il me faudra reporter sur ma carte de route, ce que je ferais plus loin, à l'occasion d'un arrêt-minute pour enlever la veste réfléchissante, puisque maintenant, ça va chauffer sévère.

Corps

Corps

8h47: début de l'ascension du col du Noyer (km 100)

Déjà, il me faut me hisser jusqu'au village du Noyer, sur une montée très irrégulière alternant passages pentus et courts faux-plats descendants. Puis seulement ensuite, la vraie montée commence: compter 7.5 km à 8.2% de moyenne... un col difficile.

Difficile d'autant plus qu'il continue d'être irrégulier de bout en bout, avec deux derniers kilomètres autour de 10%: une montée 'pour les grimpeurs', bref, tout ce que je ne suis pas... moi qui préfère ce qui est roulant, et grimpable au train.

Le sommet de la montagne est pris dans la brume, mais en grimpant un peu, le col semble dégagé. Je transpire tout ce que je peux, et le cardio part dans les tours. A 89% de mon effort maximal, je sais que je risque "d'exploser'... mais pourtant je suis tout à gauche sur les derniers kilomètres. La sueur me pique les yeux, je retire les lunettes mais les fait tomber sur la route. Obligé de m'arrêter quelques seconde pour les récupérer, puis je repars pour finir le boulot. Le dernier kilomètre enchaine les lacets, et en dépassant le col, c'est le grand ciel bleu qui se dévoile d'un coup... magique !

Col du Noyer
Col du NoyerCol du Noyer

Col du Noyer

Le Col du Noyer (altitude 1664m) nous accueille dans le Dévoluy. A cette altitude, il ne fait pas chaud, surtout après avoir transpiré pour l'atteindre... mais j'enchaine sans pause, et retombe dans la magnifique descente, qui nous fait emprunter une toute petite route, où j'attends patiemment que les propriétaires des lieux (un troupeau de moutons) venant à contresens poursuivent leur lente procession.

4-5 juin 2016 - A chacun son Everest
4-5 juin 2016 - A chacun son Everest

Après les gorges de la Souloise, la montée du col des Rioupes n'est qu'une formalité. Je sais aussi que l'ascension du col de Festre est courte par ce côté là... c'est donc deux bosses de peut être 2-3 km au pourcentage faible chacune qui s'enchainent.

Ensuite c'est la très longue descente à faible pourcentage sur Veynes. Je repense avec le sourire à mon passage ici en sens inverse en mai 2015. Pour l'avoir noté dans mon résumé 2015 comme la plus grosse galère de la saison passée, c'est qu'il devait vraiment y avoir un vent de face de fou ! Là, ça descend tranquillement... juste en tournant les jambes je vole à 40 km/h.

Aux portes de Veynes, grosse décision 'stratégique' à prendre, qui aura forcément un impact sur la suite des évènements. Soit je m'arrête pour acheter à manger, soit je poursuis sans pause et espère trouver quelque chose plus loin. Sachant que le sac à dos est encore plein de bouffe (mais seulement sucrée), et comme les jambes tournent bien, je décide de continuer. Il faut dire que mes sorties dans les Cévennes, truffées de courtes pauses, m'ont dissuadé de m'arrêter trop souvent, ça ne me convient pas.

Col de Rioupes

Col de Rioupes

11h50: Veynes (km 142), direction le col d'Espréaux

Zone très chaude et aride, la montée est heureusement principalement en faux-plats, sauf sur les derniers kilomètres d'ascension. Ca passe bien. Je fais attention à bien boire et m'alimenter. Pas mal de cyclos croisés ici et là. Le col d'Espréaux (altitude 1160m) est atteint sans trop de soucis.

Pas besoin de m'arrêter en haut, je continue en prévoyant de m'arrêter à Barcillonnette, point de contrôle, en bas de la descente. J'y trouve une fontaine pour remplir les bidons, impeccable. Je m'assieds pour manger un bout, et repars.

4-5 juin 2016 - A chacun son Everest
4-5 juin 2016 - A chacun son Everest

Entre Ventagnon et Laragne, la route est ponctuée de courtes bosse qui m'usent un peu. Et j'ai trop chaud. Les 700m de route en cours de réfection, totalement en pierres et graviers, n'arrangent rien, c'est soulant de devoir prendre le risque de crever. D'ailleurs un groupe de cyclos qui viennent en sens inverse font ça à pied.

A Laragne, pause boulangerie. Première longue pause, le temps de manger un sandwich et boire une boisson sucrée. Les voitures de rallye ont envahi le village et passent les unes après les autres. Yann m'indique sa position par SMS, je comprends qu'à ce stade nous avons environ 45min d'écart. Pas la peine de l'attendre, donc - il me rattrapera plus tard.

Un bout de grosse route plus loin, et je tourne à gauche vers la montée de Villebois. Les nuages noirs s'ammoncellent sur ma droite. Heureusement, je tire tout droit pour le moment. Après Orpierre, ça grimpe bien. Le panneau 'course automobile, route fermée ce samedi' n'annonçait rien de bien en contrebas de Villebois et Etoile St Cyrice. Et en effet, quelques bornes plus loin les voitures de rallye sont toutes là: impossible de passer.

4-5 juin 2016 - A chacun son Everest
4-5 juin 2016 - A chacun son Everest

13h40, au-dessus d'Orpierre (km 199)

10 minutes à me dépatouiller avec mon GPS pour trouver un plan B pour poursuivre ma route. C'est que la zone est montagneuse, il n'y a pas de route qui contourne "immédiatement" la route fermée, en en restant proche. La mort dans l'âme, je fais demi-tour, en sachant que je perds un temps précieux sur un parcours qui sera forcément exténuant à la fin. Je cherche Yann des yeux, et le voici enfin, une fois de retour dans la vallée. Je lui fais part du souci. On en informe les autres participants, pas la peine qu'ils fassent le même aller-retour inutilement.

Puis, se mettant d'accord sur un contournement, c'est reparti sur cet itinéraire 'bis'. J'indique tout de suite à Yann qu'il peut repartir sur son rythme, il roule un ton au-dessus en ce moment.

Quel coup de massue je me suis pris au niveau mental ! Enervé à fond, même si 'personne n'y peut rien'. Bon, ceci dit, il reste encore la moitié du parcours à faire, alors j'essaie de me relancer doucement. Ne pas voir les choses négativement, et poursuivre son chemin tranquillement, en découpant mentalement le parcours par tranches de 10km pour que ça ne paraisse pas trop insurmontable.

On a du mal se remettre en route avec Yann... la preuve, une hésitation sur la route à emprunter, on s'arrête, on repart. Yann s'arrête remplir un bidon à une fontaine. La pluie commence à tomber, et clairement on part en plein vers le coeur de l'orage.

Je profite des derniers rayons de soleil pour m'arrêter rapidement à Montjay, pour remplir mes bidons à mon tour, manger un morceau, assis sous quelques derniers rayons de soleil, en regardant du coin de l'oeil les nuages noirs qui approchent. Le moral un peu dans les chaussettes, j'enfourche le Specialized et reprends mon chemin.

Très rapidement, ça tourne à l'orage. Ces collines sont perdues, aucun moyen de s'abriter. L'orage va durer quoi, 30min... pluie battante, tonnerre, et même 1 minute de grêle: des conditions comme je n'en ai jamais eu. Evidemment, je suis frigorifié, notamment dans le col de la Flachière (altitude 853m), où je n'étais encore jamais passé. Prudence, la roue arrière dérape... il doit y avoir 3-4cm d'eau sur la chaussée... je cherche un coin pour m'abriter, notamment de la foudre, faut pas plaisanter quand même, mais rien.. ni abris de bus, ni batiment proche de la route. En passant sur un pont de pierre je pense un instant m'y abriter, mais des torrents passent dessous... ça serait dangereux.

A défaut de mieux, je poursuis à vitesse réduite jusqu'à Saint André de Rosans, où je me mets à l'abris quelques minutes. Un groupe de cyclos est aussi là, repartant alors que j'arrive... j'apprendrais plus tard que Gil de la Team Mont Ventoux en faisait partie !

Je ne prends que quelques minutes à l'abris, car dès que je m'arrête, je suis gelé... pas le choix, il faut repartir. Encore 10 minutes sous une pluie drue, et d'un seul coup, l'orage disparait. Aussi vite qu'il est venu ! J'en reviens pas, les routes redeviennent sèches presque immédiatement.

4-5 juin 2016 - A chacun son Everest

Fin de descente à Verclause. Il fait de nouveau chaud, et il y a un peu de vent aussi, pour la première fois de la journée. De face, malheureusement. C'est de la grosse route jusqu'à Rémuzat. J'ai une nouvelle fois besoin de faire une pause rapide pour remplir les bidons... à une fontaine où je m'étais arrêté en 2012 (lire ici).

Puis je continue à roulotter doucement, jusqu'à Rémuzat. Devant un petit magasin, voilà-t-y pas Yann qui enfourche son vélo ! Il m'attend en tendant le bras pour se taper dans la main... que c'est chouette de se revoir encore une fois au km 254...on sait tous les deux un peu le niveau d'effort exigé pour arriver là, alors on sait aussi l'apprécier pour l'autre.

Bon, Yann est clairement 'mieux' que moi, alors il repart devant. Vent dans le dos, nous remontons vers Cornillon sur l'Oule puis la Motte Chalancon et la Charce. De là, c'est vent de face pour grimper au col de Prémol. Qu'il est long ce col. Ici, je vais limite couler une bielle... ça restera mon plus gros passage à vide sur ce parcours. C'est simplement sans fin. Le vent se calme pourtant rapidement. Et les pourcentages ne sont même pas méchants. Mais je n'ai juste plus de jus. Je continue de manger et boire quand même. Et au sommet, la récompense c'est de voir ce panneau du col de Prémol (altitude 964m), où je n'étais encore jamais venu. Après, courte redescente et remontée. Au sommet, Yann est assis devant la mairie. Je reprends mon souffle et m'engage dans la descente.

Celle-ci est plus longue que prévue. Du coup, je m'arrête rapidement pour boire et manger un coup, assis sur une glissière de sécurité en bord de route. Yann s'arrête en passant et me dit qu'on peut faire la pause ensemble à Die, pour manger un bout, avant de chacun repartir à son rythme.

Les longs faux-plats plutôt descendants que montants, mais vent de face, sont un supplice. Mais je finis par arriver à Die, où Yann me fait un signe en bord de route. Ayant trouvé un snack, on va se mettre au chaud. Je remets le GPS à charger avec la batterie externe... c'est qu'ils ne sont pas faits pour être utilisés 20h de suite ces appareils normalement !

La pause est longue, mais fait du bien. Pizza, sandwich, coca, et un café par-dessus le plat, histoire de me tenir éveillé... maintenant il va falloir affronter la 'seconde' nuit, et le sommeil risque de nous rattraper.

Rémuzat, col de Prémol, DieRémuzat, col de Prémol, Die
Rémuzat, col de Prémol, Die

Rémuzat, col de Prémol, Die

19h18, départ de Die (km 310)

Nous avons du faire 30min de pause. Yann avait la pêche, moi pas. Je suis donc certain de le voir débouler rapidement dans les 20km du col du Rousset qui nous attendent, et de me lâcher pour la dernière fois de la journée. Mais à Chamaloc, toujours aucun signe de lui. Je m'arrête 1min pour noter la réponse à l'avant-dernière question de la carte de contrôles. Et repars.

Je me sens mieux qu'avant la pause. Bien mieux ! Mais 20min plus tard, je me sens mal, une légère envie de vomir qui se renforce de plus en plus. Le saumon et le coca n'ont pas du faire bon ménage ! Et j'ai froid, avec un vent glacial de face, mais hors de question, je ne m'arrêterais pas avant le sommet ! C'est comme ça que je m'y prends pour avancer quand ça ne va pas... pause interdite avant le sommet.

Ces 20km de montée seront vraiment difficiles, heureusement la pente ne dépasse jamais le 6-7%. Dans les derniers lacets, j'arrive à voir Yann en contrebas. Il semble revenir sur moi. Mais au cours de mes 5min de pause au sommet, toujours pas de signe de lui, alors je décide de basculer dans l'intérieur du Vercors, et de poursuivre seul. J'apprendrais, là encore, le surlendemain, qu'il est arrivé au sommet juste après moi.

4-5 juin 2016 - A chacun son Everest
4-5 juin 2016 - A chacun son Everest4-5 juin 2016 - A chacun son Everest

Jean-Philippe nous avait annoncé que souvent, il peut faire bon avant le Rousset, mais que l'effet 'glacière' peut opérer une fois le tunnel traversé. Le froid est là, clairement, mais c'est surtout du à l'humidité ambiante, et aux routes humides. Prudence dans la descente, surtout qu'elle est rapide, et qu'il commence à faire très sombre. Je ne tarderais d'ailleurs pas à allumer les éclairages.

Je connais assez bien cette route, et ça tombe bougrement bien ; mon GPS vient de se bloquer. Pendant un moment, je serais persuadé qu'il a pris l'eau et qu'il est mort. Mais non, il a survécu. Par contre, il restera inutilisable jusqu'à l'arrivée, 'gelé' sur un écran d'options.

A Saint Agnan en Vercors, je prends à droite. Ces routes sont bien rectilignes, ce qui me convient à merveille, puisque ça signifie un parcours qui trace tout droit, plein nord, vers l'arrivée. C'est agréable de se sentir avancer. Et je me suis bien remis de ma montée chaotique du Rousset, les jambes tournent à nouveau. J'ai les pieds trempés depuis plusieurs heures, et il fait froid, mais je me sens super bien. La nuit noire est là lorsque j'arrive à St Martin en Vercors, où je savais pouvoir trouver une fontaine en eau potable, pour m'arrêter quelques minutes.

4-5 juin 2016 - A chacun son Everest

J'en profite pour répondre aux quelques SMS des copains qui me savent sur le BRM et m'encouragent. Sympa ! J'en envoie aussi un à Yann, qui commence à m'inquiéter... pourquoi ne me rattrape-t-il pas ?

Je repars dans la nuit noire, sur routes mouillées. La montée de St Julien ne me parait même pas difficile, je me sens bien. Je guette la bifurcation à gauche pour retomber directement à la Balme de Rencurel, où je remplis mes bidons une toute dernière fois.

22h30: La Balme de Rencurel (km 365)

Un gel sucré pour me donner des forces pour la dernière difficulté: le col de Romeyere.

Je laisse un message sur le répondeur de Yann, qui ne répond toujours pas... je m'inquiète qu'il lui soit arrivé quelque chose derrière, mais en même temps... je peux pas vraiment faire grand chose... faire demi-tour c'est exclu, je suis trop crevé. Et puis je me dis qu'il s'est peut être arrêté quelque part pour dormir.

Romeyere, c'est le col que j'ai le plus grimpé de ma vie derrière la Faucille probablement, mes beaux-parents habitent juste de l'autre côté. Et même si c'est le versant facile que je dois franchir, j'ai des souvenirs de méga hypoglycémie d'il y a une dizaine d'années. Mais là, de nuit, ça va aller. Je fais connaissance avec un animal encore inconnu au bataillon (une martre ?), d'un renard, d'une biche, d'escargots et de grenouilles sur la chaussée. Je ne suis pas seul, ça doit être le clan du coin qui s'est réuni pour m'encourager jusqu'au sommet.

A Rencurel, je note la réponse à la dernière question du jour. A 23h20, j'atteins mon graal... je suis au sommet. Et aux anges. Pas mécontent d'avoir vaincu cette dernière bosse. Quelques photos, un coup à boire, et je mets tous mes vêtements, dont les jambières pour la première fois de la journée, pour affronter le froid et l'humidité du tunnel des Ecouges et de la descente sur St Gervais.

Col de Romeyere, tunnel des EcougesCol de Romeyere, tunnel des Ecouges

Col de Romeyere, tunnel des Ecouges

La descente est dangereuse, alors de nuit, prudence. Je suis fatigué et j'ai sommeil, mais j'ai encore l'impression d'être suffisamment alerte pour ne pas prendre de risques. Le tunnel 'non éclairé' ne fait pas le même effet 'claustro-phobique' que lorsqu'il fait jour dehors !

Arrivé à St Gervais, j'enquille sur la voie verte le long de l'Isère. Compter un peu moins de 30km de plat sur cette piste cyclable à l'écart de toute civilisation, et j'aurais plié l'affaire !

4-5 juin 2016 - A chacun son Everest

Ci-dessus une photo qui résume bien l'heure et demie environ qu'il me faudra pour rallier le pont d'Oxford et la boite aux lettres de l'arrivée, où glisser mon carton rempli. C'est tout droit, c'est tout plat. J'ai trop mal aux fesses pour rester assis, trop mal aux paumes des mains et aux tendons des genoux pour faire de la danseuse... alors j'alterne. Le sommeil me rattrape aussi. Une petite branche en travers de la route ? Je tente (et manque) un bunny hop au-dessus, l'ayant vue au dernier moment malgré les phares bien allumés, je suis un peu dans le coton là. Il est temps que ça se termine. Voir 'Grenoble 20km' indiqué sur un panneau me met encore un coup au moral... mais je m'accroche... il faut bien aller au bout. Je franchis doucement St Egrève, puis Voreppe. Je crois que je n'ai jamais été aussi content de voir le profil du pont d'Oxford se détacher dans l'obscurité... il marque la sortie de la piste cyclable et l'arrivée dans 1km !

Fourbu, gelé... mais arrivé !

Fourbu, gelé... mais arrivé !

Dimanche, 1h30 à l'arrivée

Et voilà. L'histoire se termine en glissant l'enveloppe dans la boite aux lettres derrière moi sur la photo ci-dessus. Il ne me reste plus qu'à rentrer chez les parents en voiture (25min de voiture qui ne me paraîtront pas difficiles, niveau sommeil, bizarrement), une douche rapide, une tranche de pain et du fromage, et.... je tombe comme une pierre dans mon lit !

J'apprendrais le lendemain que Yann s'est arrêté à son hotel environ 1h après mon arrivée et qu'il y a eu quelques participants qui ont raccourci leur parcours, avant ou après la route fermée à cause du rallye auto. C'était un BRM compliqué, dans des conditions pas faciles. Mais quel beau parcours ! Merci Jean Philippe de nous avoir concocté ça, ce qui m'a poussé à me lancer dans ce défi de fou...

...en ce qui me concerne, en dehors d'une cheville, d'un coude, et de deux rotules douloureuses 48h après (ainsi que quelques courbatures aux cuisses), je retiens surtout que... j'ai vaincu mon Everest.

Lire ici le résumé de Jean Philippe...

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L
Slt M. 400, quel chantier tu nous as fait là et quelle ténacité, un récit magnifique pour un BRM qui l'était tout autant, comme d'habitude tu nous fais vivre chaque mètre parcouru,chaque anecdote à raconter. Bravo pour ton exploit et à tout ceux qui l'ont réalisé. Et dire que l'on a failli se voir ! quand je vois tes heures de passage, notamment au croisement Laborel / Villebois les pins, on devait être là 20 minutes avant toi et si nous n'étions pas allés jusqu'à Laborel (pour rien) on se serait croisé ! Par contre ce n'est pas notre groupe que tu as vu repartir de St André les Rosans car nous nous sommes arrêtés à Montjay au plus fort de l'averse, d'après ce que je lis dans ton CR tu devais être devant nous. On a pas attendu la fin de l'averse mais quand nous sommes repartis c'était presque fini, d'ailleurs nous avons fait l'ascension de la Flachière au sec et après nous avons repris un peu de flotte jusqu'à St André mais léger. Comme toi juste après Rosans la route était sèche, c'était étonnant le contraste avec cette ligne qui marquée la fin du mouillé. On a failli récupérer ton collègue Yann mais il a tourné devant nous juste à Rémuzat, dommage que l'on se soit raté, ça m'aurait fait plaisir de te voir, surtout dans ces conditions. En tout cas encore bravo pour tes 400 car je vois ce que tu as fais connaissant presque entièrement le parcours à part les 60 premiers km. A bientôt et pendant que je lis ton article je suppose que tu as dû finir ton AVM.
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C
Salut Gil,<br /> Merci ! C'était une belle expérience, l'une des plus difficiles de ma jeune carrière cyclo, malgré une meilleure gestion que les ans passés, sur un parcours exigeant. Dommage qu'on se soit ratés de si peu... mais en effet, comme tu le dis, j'ai pris 'ton' groupe pour autre chose, visiblement ce n'est pas tes potes que j'ai vus. Oui ! J'ai fini mon AVM. Ma 3ème déjà... dans des conditions dantesques ! Article à venir...A+
A
Bravo :) super CR, super parcours (je connais la partie Noyer - Espreaux)<br /> D'ailleurs c'est la Céüse que l'on voit sur une de tes photos ?<br /> <br /> tout à quasiment été déjà dit ^ ^<br /> il ne te reste plus qu'à diminuer les moments de moins bien
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C
Diminuer les moments de moins bien, peut être, mais ça sera marginal. je crois qu'à partir d'une certaine distance (pour moi c'est au dela des 200) c'est difficile de pas avoir des moments difficiles. Mentalement ou physiquement. En tout cas, belle expé !
P
11 participants c'est normal, car c'est un BRM difficile et qui arrive en début de saison pour certains qui font du ski dans la région de Grenoble et demande un minimum entrainement.<br /> il y a de la dénivelée, des kilomètres, il faut gérer la logistique dans des coins désertiques<br /> plus la météo, la navigation, la nuit et ne pas avoir une assistance, et savoir gérer les périodes de moins bien qui arrivent à tout le monde c'est donc pas à la portée de tout le monde.
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P
Bien rodés il y en surement mais il y a beaucoup de concurrence dans les randonnées en cette période
C
Oui. N'empêche que des cyclos bien rodés... y'en a plus que 11 dans la région ;)
H
Toujours de superbes photos, des commentaires faciles à lire, c'est plaisant . Par contre,je dis " ouf" quand c'est fini !!! surtout que cette fois, logeant chez nous, on était aux premières loges...Il y a des passages sur routes en piteux état, on se demande comment ne pas crever un pneu !!!Bravo encore pour ce mental qui, en effet, tient une place énorme ! Tu devais être encore sous le coup de la fatigue quand tu as rédigé cet article : il me semble avoir lu St Egrève puis Voreppe...A bientôt !
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C
Oups, je vais corriger l'erreur. Voreppe c'est donc avant St Egrève ? Je ne m'en rappelles même plus. Non, globalement les routes étaient bonnes, en dehors de la route en train d'être refaite tout au sud du parcours.<br /> A+
A
Bravo Baptiste pour avoir réalisé ce circuit hors norme.<br /> Je sus impressionné par ton mental. Tu connais des moments difficiles mais tu ne lâches rien. un vrai pittbull sur son os !
Répondre
C
Salut Patrick, et merci ! C'est ma manière à moi de rouler. J'ai pas la capacité de grimpeur de certains, alors je compense au mental. Je fais généralement peu de pauses, j'ai appris à rouler sans en avoir trop besoin... et quand c'est devenu dur notamment avant d'entrer dans le Vercors, je me suis accroché au max.

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Cyclotourisme en Rhône Alpes / Suisse